39-45 ELLES N'ONT RIEN OUBLIÉ
Le vécu de quatre jeunes femmes durant la Seconde Guerre mondiale
Quatre Françaises racontent la Seconde Guerre mondiale telle qu’elles l’ont vécue durant leur enfance ou adolescente…
Le dispositif de ce documentaire pourra sembler académique et il y aurait des choses à redire d’un point de vue cinématographique, mais la force de son récit compense ses faiblesses formelles. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas bien pénalisantes : tout juste peut-on faire remarquer que le recours partiel à la reconstitution est la principale faiblesse esthétique, par l'usage de plans évoquant une muséification plutôt lisse et figée, avec des sortes de natures mortes qui manquent de dynamisme. En revanche, les réalisateurs échappent globalement aux inconvénients de l’interview face caméra en optant pour une variété d’images, faisant ainsi alterner les entretiens avec les quatre intervenantes, les images d’archives, quelques cartes, et donc les reconstitutions précédemment évoquées.
Par ailleurs, le choix d’une narration tenant compte de la chronologie confère au film une grande clarté, là où beaucoup de documentaires s’éparpillent en donnant l’impression de passer d’une thématique à une autre de façon aléatoire. Pas de doute ici : les frères Aguesse ne cachent pas leur souhait de faire à la fois œuvre de pédagogie, de vulgarisation et de devoir de mémoire (notons au passage que l’une des intervenantes est leur propre grand-mère). Le récit est d’autant plus clair qu’il bénéficie de la voix très précise et chaleureuse de Benoît Allemane (connu par exemple comme voix française régulière de Morgan Freeman).
On peut toutefois regretter que l’une des femmes, Lili Keller-Rosenberg (également appelée Lili Leignel), ait tellement l’habitude de raconter son expérience qu’elle récite d’une manière pompeusement littéraire, ce qui nuit à la force et à l’authenticité de son témoignage. C’est d’autant plus pénible que le montage a parfois du mal à couper ses interventions qui s’éternisent et cassent le rythme de l’ensemble. Heureusement, cela n’empêche tout de même pas le public de s’intéresser à son cas, car les épreuves qu’elle a traversées sont particulièrement bouleversantes.
Les récits de ces quatre femmes s’entremêlent et se complètent alors pour proposer un survol étonnamment complet de la Seconde Guerre mondiale en à peine 1h31, évoquant la résistance comme la déportation, le quotidien de citoyens lambda comme des épisodes plus exceptionnels (le devenir des œuvres du Louvre par exemple). Outre le fait de se centrer sur un vécu exclusivement féminin, ces témoignages, bien que délivrés par des personnes âgées, sont ceux de filles et adolescentes, car toutes les quatre étaient très jeunes durant les évènements relatés. Or, c’est un point de vue qui n’est pas si courant. Cela donne ainsi lieu à quelques réflexions qui permettent de réfléchir à cette guerre autrement en l’imaginant depuis des regards enfants. C’est peut-être là la plus grande force de ce documentaire.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur