3 FOIS 20 ANS
Au diable la peur de vieillir !
Mary et Adam, formant un couple qui s’aime, se rendent compte qu’ils ont la soixantaine et qu’il vieillissent. Mary est à la retraite, mais Adam continue d’exercer son métier d’architecte. Le choc est plus violent pour Mary qui ne travaille pas, et voit les choses en face, essayant de faire face, tandis qu’Adam s’enfonce dans son travail et s’isole de sa femme pour ne pas regarder les choses en face. Ils en viennent à se fâcher pour des futilités, et les fâcheries perdurent…
William Hurt et Isabella Rossellini sont pour le moins des « vieux de la vieille », et ont tous deux un charisme et une aura qui nous chavirent à chaque gros plan. C’est donc sans déplaisir que l’on suit Julie Gavras, fille de Costa-Gavras, les filmer avec une infinie tendresse dans cette nouvelle étape de leur vie, étape ingrate au possible où les remises en question sont légions. Les acteurs ont un tact infini, et il leur suffit de quelques mouvements de bouche, de regards pour exprimer l’amertume, le regret ou l’envie. Le jeu est parfois minimaliste mais il s’avère largement suffisant, supportant un scénario très bien écrit, aux dialogues élégants, brillant de milles idées toutes simples pour exprimer cette peur de la vieillesse, telles les barres que Mary pose au-dessus de la baignoire pour qu’ils y prennent appui, ce que fait naturellement Adam pour sortir du bain, avant de réaliser qu’il ne veut pas être ce vieil homme qui a besoin d’appui, et de snober ces barres et tout ce qu’elles représentent.
Mais loin de n’inspirer que des sentiments amers, au contraire, ce film regorge de vie, d’envie, de tonus. L’un et l’autre fourmillent d’activités qui les obligent à se maintenir, lui dans son métier passionnant et accaparant, elle dans ses associations. Le ton oscille entre le grave et le léger et nous donne envie d’avancer avec eux. L’empathie est parfaite, Julie Gravas nous maintient à tous moments à leurs côtés et à ceux de leurs enfants quand il y a des turbulences. Et même s’il y existe un épisode de que l’on regrette sincèrement, on leur reste profondément attaché.
Mais au-delà cette humanité, c’est cet humour constant et fin qui jalonne le récit, ce pétillement constant, cette joie de vivre (même si elle est mêlée à des doutes) qui emportent notre adhésion totale. L’intrigue en elle-même est simple au possible, et ce minimalisme du jeu, pourrait évoquer un film de Kiarostami, connu pour sa contemplation et sa lenteur. Il n’en est rien. Nous nous trouvons à un croisement étrange entre la singularité d’un Aki Kaurismaki, et la « patate » très jeune d’un Cédric Klapisch. Au final on a le sentiment qu’Adam et Mary sont toujours bien jeunes (en témoigne la dernière scène), et on a presque moins peur de vieillir… C’est dire…
Ivan ChaslotEnvoyer un message au rédacteur