24 SEMAINES
Julia Jentsch formidable en femme face à un terrible choix
Outre son sujet délicat, traité ici avec un tact certain, Julia Jentsch ("The Edukators", "La Chute", "Hannah Arendt") est certainement l'atout principal de ce film allemand présenté en compétition au Festival de Berlin 2016. Bouleversante de bout en bout, elle passe de l'assurance et des certitudes, au doute et à la peur, dont celle de ne pas être le modèle que son statut de star semble lui imposer.
Questionnant le courage de parents apprenant que leur futur enfant est atteint de trisomie voire de malformations, "24 semaines" ne cache rien des tenants et aboutissants du drame qui se joue ici (des différentes opérations escomptées à la potentielle piqûre de potassium directement dans le fœtus). Avec un certain tact, mais peut être un peu trop de systématisme, la metteur en scène passe au crible les échanges entre père et mère, comme les interférences des proches (grand mère, nourrice, petite sœur, autres mères croisées à l'hôpital...). Aidant ainsi à mieux cerner les conséquences et les arguments plus ou moins rationnels autour de l'avortement, elle crée cependant sur la longueur un suspense pas forcément très utile.
Si le procédé est un peu formel et rapproche le film du documentaire, il a le mérite d'explorer en apparence toutes les pistes, envisageant tous les états d'un couple en crise par ricochet. Mais la visite du service prématurés ou la séance de psychanalyse de couple mettent les points sur les "i" quant aux droits des femmes et à ce que peut être la notion même de courage. Usant avec parcimonie de la symbolique (une plante qu'on arrose délicatement, un plan d'un personnage la porte entre-ouverte...) mais retrouvant par moment une certaine distance (le plan des silhouettes derrière un mur de plastique), Anne Zohra Berrached ("Deux mères") montre les hésitations entre visions étroites ou larges de ce qu'on peut appeler le « destin ».
Malheureusement, les passages dédiés aux one-woman-show du personnage principal, très loin de provoquer les rires escomptés, apparaissent un peu décharnés (décalage culturel oblige). De plus le choix d'une caméra portée agace vite et ne s'avère pas toujours utile. Reste que "24 semaines" pose les questions qui fâchent, laisse les points de vue s'exprimer, avant de prendre clairement position, en toute liberté de conscience et de croyance, à l'image de son personnage principal. Un film qui vaut donc surtout pour son aspect pédagogique et pour ses interprètes.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur