2 AUTOMNES 3 HIVERS
Trop de style tue le style !
Arman compte bien reprendre sa vie en mains, et pour débuter, il décide de se remettre au sport. Et alors qu’il effectue son jogging, tête baissée, il percute la belle Amélie. Il est sûr que c’est le début d’une belle histoire, celle qu’on raconte à ses petits-enfants, mais malheureusement, il a beau revenir courir tous les week-ends, il ne la retrouve pas sur son chemin. Le destin est joueur, et c’est précisément au moment où il s’y attend le moins, en rentrant d’une soirée, que les deux tourtereaux vont se retrouver. Leur histoire d’amour va évoluer au fil des saisons…
Sébastien Betbeder fait partie de cette nouvelle génération de cinéastes adulés par Les Cahiers du Cinéma, que certains s’amusent à qualifier de « nouvelle Nouvelle vague », au même titre que Justine Triet avec "La Bataille de Solférino" ou Antonin Peretjatko et "La Fille du 14 Juillet". En plus de s’inscrire dans cette volonté de déconstruction des schémas narratifs traditionnels, ces longs-métrages présentent un autre point commun, l’acteur Vincent Macaigne, figure de proue du « mouvement ». Ici, il interprète Arman, trentenaire un peu paumé et fatigué de sa condition, qui décide de reprendre sa vie en main. Première étape de cette renaissance : le sport. Ressortant le short et les baskets, il croise alors, entre deux foulées, Amélie, et immédiatement son cœur s’emballe. La suite du métrage nous raconte les pérégrinations et les aventures des deux amoureux au fil des saisons.
Ultra-référencé et très littéraire, "2 automnes 3 hivers" fait la part belle aux textes, préférant ainsi une prose élégante en voix-off que de s’éterniser sur des plans inutiles. Parfait archétype du film fauché « intello-hype », le métrage multiplie les monologues des protagonistes face caméra jusqu’à agacer le spectateur. Car si cet objet cinématographique, presque non identifié, bénéficie d’une grande originalité, à trop vouloir recourir aux effets de styles et aux métaphores, le réalisateur délaisse quelque peu son intrigue, et surtout, oublie d’insuffler cette même folie aux plans plus conventionnels. Heureusement, le charme dégagé par les comédiens et la poésie des situations nous empêchent rapidement de ressasser nos réserves vis-à-vis de l’ensemble. Au fil des différents chapitres, cette comédie tragico-burlesque évoque, en toute simplicité, des thèmes tels que la mort, la maladie, le poids du passé, et dresse un portrait lucide d’une génération de trentenaires bloqués au stade de l’adulescence, car ne voulant pas perdre leurs rêveries d’enfants.
Dans une joyeuse cacophonie, Sébastien Betbeder nous démontre tous ses talents d’auteurs, parvenant à réunir son amour de la Nouvelle vague française avec celui des comédies américaines indépendantes, un peu comme si un Truffaut sous cocaïne décidait de faire un film avec un Judd Apatow version "Funny People". Néanmoins, malgré la prouesse du défi, le métrage perd de sa force comique dans cet entremêlement de narrations et de points de vue, et les grands éclats de rires se font plutôt rares. Et à rechercher absolument la création arty, le réalisateur s’enferme dans son propre piège, préférant recourir à de très nombreuses caméras et se focaliser sur la mise en scène, plutôt qu’à nous convier véritablement à cette balade pop qui aurait pu être des plus enivrantes. L’ensemble est ainsi mignon, mais jamais poignant, et là où il aurait dû faire battre notre cœur, c’est à peine quelques picotements que nous avons ressentis…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur