13 HOURS
Quelques minutes enthousiasmantes au coeur de deux heures trente assommantes
Censé protéger une base secrète de la CIA à Benghazi en Lybie, un groupe paramilitaire de six hommes va se retrouver à affronter une véritable armée pour essayer de sauver les personnes piégées sur le site…
Après un énième volet de la saga "Transformers", Michael Bay avait déclaré vouloir se consacrer à un « plus petit film », comme il avait pu le faire brillamment avec le jouissif "No Pain No Gain". Mais cette fois, il opta pour un scénario lui permettant de continuer à faire mumuse avec les explosifs. Benghazi, Lybie, septembre 2012. Six hommes forment un groupe paramilitaire chargé de la sécurité d’une base secrète de la CIA. S’ils pensaient pouvoir gérer assez facilement d’éventuelles menaces, la venue de l’ambassadeur américain va être l’occasion choisie par les opposants au nouveau régime pour attaquer les institutions américaines. Le début d’un long assaut de treize heures où ces six mercenaires vont devoir affronter une véritable armée.
Et "13 hours" débute sous les meilleurs auspices, avec une scène particulièrement tendue et sans aucune déflagration, où le personnage interprété par John Krasinski découvre le bourbier dans lequel il vient de mettre les pieds. Malheureusement, la suite est beaucoup moins alléchante, la faute à des dialogues ridicules (les militaires passent leur temps à faire des blagues stupides, parce qu’ils ont des gros bras, donc ils ne peuvent pas réfléchir) et à des scènes mielleuses bien trop convenues (le flash-back inutile ou les différentes séquences de discussion avec leur famille). Évidemment, une musique sirupeuse et ronflante accompagne le tout pour être sûr que le spectateur saisisse bien la portée dramatique de l’opération.
Là où Peter Berg avait admirablement réussi à rendre hommage à ces soldats risquant leur vie à l’autre bout du monde pour des conflits qui les dépassent dans "Du Sang et des larmes", le métrage de Michael Bay souffre grandement du manichéisme dans lequel il plonge dès les premières minutes. Ainsi, les membres de la CIA sont tous des gratte-papiers sans aucune expérience militaire, symbole d’une bureaucratie défaillante, tandis que les militaires sont des hommes braves et courageux dont l’ennemi le plus dangereux serait ces fonctionnaires les privant des moyens nécessaires pour agir. Il est indéniable que l’attitude des autorités américaines ayant abandonné ces hommes à un destin funèbre est impardonnable, mais un peu de finesse n’aurait pas annihilé l’hommage rendu, bien au contraire.
Pourtant, malgré toutes ces énormes maladresses (ne parlons même pas du chef de la base secrète, catalyseur de tous les clichés imaginables), cet actionner bouillonnant retranscrit avec un certain génie les différents assauts. Brouillant les repères des spectateurs, le film parvient à transmettre ce sentiment de confusion total dans lequel les soldats avançaient, incapables de savoir qui étaient leurs alliés et leurs ennemis. Faisant de cette menace, une masse informe tapie dans l’ombre, des silhouettes sans visage, "13 hours" esquisse une atmosphère anxiogène au cœur d’une arène picturale où les combats ne se terminent jamais. Sauf que Michael Bay, plus artificier que cinéaste, vient tout gâcher avec un plan quasi-subjectif d’un obus, recyclé de son propre "Pearl Harbor", et des ralentis ridicules. C’est définitivement lorsqu’il assume son cynisme et le second degré de ses productions que le réalisateur est le meilleur. À rêver d’ultra-réalisme, Bay a perdu tout le fun de son cinéma…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur