Festival Que du feu 2024 encart

11 MINUTES

Un film de Jerzy Skolimowski

Un brillant et palpitant exercice de style

Une scène intime vue depuis un téléphone portable. Un dialogue sur un divorce par Skype. Une caméra de surveillance filmant la rue. Autant de morceaux d'une même réalité, dont les personnages finiront par converger...

"11 minutes" est un film puzzle qui demande et suscite une attention de tous les instants. Débutant sur un ensemble de scènes plus ou moins intimes, filmées à partir de supports tous différents (téléphone portable, webcam, caméra de surveillance...), l'auteur polonais de "Essential Killing", primé à Venise en 2010 à la fois au travers de son acteur (Vincent Gallo) et du Grand prix du jury, s'éloigne rapidement de ce formalisme pour composer un brillant exercice de style.

Ne cessant d'ajouter en permanence de nouveaux personnages, jusqu'à vous donner le tournis, Skolimowski imbrique nombre de micro-histoires les unes avec les autres, grâce à un brillant exercice de montage. Pour permettre au spectateur de suivre ce qui apparaît au début comme très décousu, il fait progressivement se croiser les personnages sous divers angles, recale des repères temporels de manière abrupte (le hot-dog, le lavage de carreaux...), et varie le rythme du découpage.

Et peu à peu la tension monte, par de soudains événements ponctuels (le pigeon qui fracasse la vitre, l'avion qui passe à proximité d'une tour...), l'auteur conjuguant avec brio le mouvement simultané de 3 ou 4 personnages avec une musique adéquate. Soucieux que le spectateur reste dans le flou, questionnant en permanence les liens physiques et temporels, il le perd en variant les points de vue, adopte une caméra subjective liée à un chien, ajoute des effets de trip halluciné pour un personnage sous coke, ou pour un autre en crise d'angoisse.

Avec brio, il nous mène jusqu'au climax final, que certains trouveront peut-être trop vide de sens. Mais c'est sûrement le propre d'un exercice de style : provoquer une peur, une tension, donner envie de découvrir la suite malgré la complexité, sans pour autant livrer au final de message politique ou moral. Une vraie réussite, qui vous tient en haleine, bien plus de 11 minutes.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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