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Festival
Cannes 2011 : Impression 18 - « L'apollonide » de Bertrand Bonello, portes ouvertes sur la maison close
L'APOLLONIDE : SOUVENIRS DE LA MAISON CLOSE
de Bertrand Bonello
(Compétition)
Ambiance XIXe siècle, volupté des corps et décors, douceur des travellings, délicatesse des courbes féminines qui s’obstinent à défier les bonnes mœurs, voilà ce que promet – et ce qu’offre – « L’Apollonide ». Le monde de la morale, bien-pensant, est volontairement laissé à la porte par Bonello, qui n’en veut pas dans sa maison hermétiquement close – à l’exception d’une brève séquence dans la nature, sorte de retour à la source mais toujours entre filles de mauvaise famille. Le monde du dehors ne se manifeste que par le biais des clients habituels de Marie-France, tenancière et mère nourricière, libertine en chef des filles de joie-apôtres. Ils viennent en pèlerinage recueillir la bonne parole. Quand la nuit est tombée, les filles embauchent et commence la débauche.
« L’Apollonide » est un roman, un roman de Maupassant (La Maison Tellier) aux accents sadiens, un roman libertin dont la caméra se ferait le témoin voluptueux et lascif. Bonello ne cache rien des dessous sexy de la maison close, et surtout pas les fantasmes des clients et les songes des professionnelles de la coucherie. Il révèle tout de la solidarité unissant ces filles qui sont comme des sœurs, protégées par la tutelle de leur maquerelle. Elles forment une famille disparate : il y a Madeleine, dite la Juive, transformée par l’effet d’une lame en « femme qui rit », pendant trivial du héros hugolien ; il y a Julie, dite Caca pour sa « spécialité » ; il y a celles qui ont des habitués, hommes mariés qui viennent tous les soirs leur titiller la pointe des seins après quelques coupes de champagne. Pour autant, Bonello évacue tout le glauque et le sordide d’une pareille affaire pour leur préférer la sensualité pesante des longs travellings, notamment autour du salon où les couples se nouent et les commerces s’engagent. Aux dépens, certes, d’une certaine idéologie du conformisme prônée, en ce domaine, par l’une de nos chères ministres, qui devrait à raison considérer « L’Apollonide » comme la réponse artistique à des désirs.