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Venise 2011 - Le renoncement à l amour

« Les histoires d'amour finissent mal », en général. Cet adage aura rarement été aussi vrai que durant le Festival de Venise 2011, où quelques films soulignait la nécessité de parfois renoncer à l'amour, du fait d'un destin qui sépare, de l'impossibilité d'approcher son rêve ou d'une séparation qui finit par vous ronger l'âme.

Quand deux destins sont séparés

Marjane Satrapi et Vincent Parroneaud reviennent, quelques années après le triomphe du dessin animé « Persepolis », adaptant à nouveau une bande dessinée signée Marjane Satrapi, « Poulet aux prunes » (sortie le 26 octobre). Cela donne un film « live », avec en vedette Mathieu Amalric (Nasser Ali), Maria de Medeiros (sa femme) et Chiara Mastroianni (leur fille devenue grande). Le récit se divise en deux partie, l'une conte les aventures de Nasser Ali, violoniste amer à la recherche d'un nouvel instrument, et permet de présenter sa famille, l'autre nous relate ses amours contrariés. Mais si le film adopte globalement le ton de la comédie, lorgnant vers les créations de Jean Pierre Jeunet, il s'enfonce progressivement dans le drame, nous éclairant peu à peu sur les conséquences du refus d'une main par un père iranien, préférant un parti plus avantageux pour sa fille.

Car les deux personnages principaux seront affectés, devant renoncer à leur grand amour et se trouver un autre destin. Dans ce cas là, certains, comme Nasser Ali, trouveront une consolation dans l'art, la douleur débloquant chez eux une sensibilité jusque là enfouie, faisant exploser un talent. Le refuge dans le travail est un classique moyen de survivre, donnant ici au personnage une reconnaissance mondiale et lui offrant un exil professionnel de près de 20 ans, qui lui permettra d'être le plus loin possible de celle qu'il a aimé, mariée à un autre. Le film s'achève, comme il a commencé, par une scène où les deux anciens amants se croisent, l'un des deux faisant semblant de ne pas être la même personne. Car parfois la souffrance est trop dure, et les retrouvailles, surtout passagères, sont de l'ordre de l'insupportable. Mieux vaut alors oublier et tout faire pour ne pas avoir de nouvelle, ni devoir en donner.

Se contenter de ce qu'on a

Pour le personnage féminin du nouveau film de Todd Solondz (« Happiness », « Life during wartime »), réalisateur spécialisé dans la description des souffrances et humiliations amoureuses que peuvent subir des personnes peu gâtées par la nature, le renoncement emprunte un chemin en apparence classique également : il s'agit de trouver quelqu'un d'autre. Mais parfois, comme dans le cas de son héroïne, un nouvel amour n'étant pas nerveusement gérable, l'on choisit d'envisager un être qui ne nous inspire rien.

« Dark horse » débute sur une scène de rencontre à un mariage, une scène d'ennui, dans laquelle une dépressive, interprétée par Selma Blair, fait la connaissance d'un geek, trentenaire plutôt enrobé, qui vit toujours chez ses parents. Acceptant, on ne sait trop pourquoi, de le revoir, elle finira par réfléchir sérieusement à la proposition de mariage un peu précipitée qui lui est faite. Bardé d'un humour noir et amer, le scénario permet à Solondz de donner une définition désenchantée du mariage : l'abandon de l'espoir, de la carrière, du succès, de l'estime de soi... Une vision qui conviendrait peut-être à ceux qui ont du renoncer à croire au prince charmant, et finissent par considérer n'importe quel autre, par dépit.

Ces histoires qu'on s'invente pour survivre

Le réalisateur canadien Jean Marc Vallée (« C.R.A.Z.Y. ») signe avec « Café de Flore », du nom d'un morceau de musique des années 60, un conte cruel sur la survie après l'échec amoureux. Le film relate en parallèle deux histoires, qu'il reliera finalement d'une manière aussi déroutante que bouleversante. Portée par Vanessa Paradis, la première se déroule à Paris en 1969, dans une misère heureuse, et dépeint la lutte d'une mère pour déjouer la fatalité et faire vivre son enfant au delà des 24 ans d'espérance de vie qui sont usuellement alloués aux trisomiques. La seconde, se déroule de nos jours à Montréal, décrivant la vie heureuse d'Antoine (Kevin Parent), et revenant sur les deux dernières années, qui l'ont amené à remplacer un grand amour par un autre.

L'auteur, alliant ruptures de lieu et de temps, et cassures rythmiques et musicales, construit une tension destinée à nous faire trembler pour ses personnages, menacés dans leur devenir et leur bonheur. Affichant la fragilité de certains tout comme l'indéfectible optimisme d'autres, il parvient à aborder de manière désenchantée la thématique de l'âme sœur. Car le film est autant l'histoire d'Antoine que de son ex-femme, tentant de faire bonne figure, mais dont le malaise intérieur se fait jour peu à peu. Prête à croire à des histoires de réincarnation, elle est encore liée à cet amour d'enfance, à cette vie qu'elle n'a toujours pas réussi à déconstruire, pour s'en rebâtir une autre. Dans la douleur, elle aura besoin de s'inventer tout un passé pour pouvoir enfin laisser celui qu'elle aime encore, à une autre. Pour pouvoir, simplement, survivre.

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Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur