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Gérardmer 2009
Gérardmer 2009 – L’effroi qui venait du froid !
Jusqu’ici absent des éditions successives de Fantastic’Arts, le cinéma de genre nordique (appellation regroupant les filmographies de la Suède, de la Norvège, de la Finlande et du Danemark) aura été le fer de lance de ce seizième festival de Gérardmer.
Si quelques films avaient jusque-là fait le chemin jusqu’aux Vosges (on retiendra les danois "Possessed" d’Anders Ronnow-Klarlund, en 2000, et "Allegro" de Christoffer Boe, en 2006), c’est véritablement en 2007 que cette cinématographie bien particulière fit son entrée dans la cour des grands, le Grand Prix allant au norvégien "Norway of Life" de Jens Lien.
Après que le cinéma asiatique (Japon et Corée du Sud principalement), puis le cinéma espagnol (en force l’année dernière), c’est donc au tour de films du Nord de se tailler la part du lion, que ce soit en compétition ou lors des nombreuses avants premières. Mais s’il est facile de regrouper ces styles et genres sous une appellation commune, force est de constater, après vision des films, qu’ils sont tous très différents.
Deux ans après un Grand Prix mérité, c’est la Norvège qui imposa le rythme, avec trois films aussi différents que complémentaires. Différents par les genres abordés (survival et slasher), mais complémentaires par les thématiques (la survie en milieu hostile, la description d’une cellule – ici un groupe d’amis – soumise à la destruction) et un esthétisme rugueux et naturaliste (omniprésence étouffante de Dame Nature – boiseuse ou enneigée, donnant une impression de huis-clos à ciel ouvert), bien loin de la superficialité apparente du cinéma de genre plus occidental (Europe de l’Ouest et Amérique du Nord). Le premier, en compétition, fut une véritable surprise : "Manhunt", première réalisation du jeune Patrik Syversen, marque les esprit par son efficacité tétanisante et sa déférence absolue envers les classiques du genre ("Massacre à la tronçonneuse" et "Délivrance" en tête), lâchant cinq jeunes campeurs au cœur d’une chasse à l’homme impitoyable au cœur d’une forêt hostile. Un scénario proche de celui des deux autres productions norvégiennes, présentées hors compétition lors d’une soirée mémorable. "Cold Prey", slasher à l’intrigue minimaliste (cinq jeunes partis skier sont victimes d’un psycho-killer armé d’un gros piolet), réalisé très efficacement par le bien nommé Roar Uthaug, et sa suite directe, l’excellent "Cold Prey II" (scénarisé par Uthaug et réalisé par Mats Stenberg), qui voit l’unique survivante du premier opus à nouveau confronté au montagnard furibard. Situés au cœur d’un glacier menaçant (pour le premier) ou d’un hôpital déserté (pour le second), les deux films magnifient leur décors, assument leur fonction slasheresque et révèlent une immense comédienne en la personne de la géniale Ingrid Bolso Berdal.
Après la Norvège, c’est au tour de la Suède d’imposer son cinéma, par le biais de deux œuvres bien distincts (une romance vampiro-enfantine et un délire scientifico-terrifiant), mais uni par un savoir faire et une rigueur toute... nordique ! Grand Prix de cette dernière édition, le déjà culte "Morse", réalisé par Tomas Anderson, aura su séduire le jury, le public et les critiques par son mélange audacieux d’auteurisme (réalisation froide et contemplative, thématiques adultes appliquées au monde enfantin) et de fantastique pur et dur, révélant en son cinéaste un talent insoupçonné. Plus ludique et « industriel » dans sa fabrication, le foutraque "Origine inconnue" de Michael Hjorth (déjà présenté, hors compétition, en 2002) raconte la destinée flippante et étrange de quelques scientifiques coincés au milieu d’une forêt décimée. Deux visions du cinéma de genre, deux talents révélés au public, pour une cinématographie qui ne demande qu’à s’imposer, entre le sérieux mélodramatique d’un Bergman et le trash assumé d’un X.
Dernière destination nordique avec le finlandais "Sauna", second film du génial Antti Jussi Annila, remarqué il y a trois ans avec le superbe "Jade Warrior". Une œuvre ésotérique et atmosphérique, située – une fois n’est pas coutume – au cœur d’une forêt mystérieuse, questionnant l’histoire locale (le film se déroule en 1595, à la fin de la guerre russo-finlandaise) en se jouant des mythologies fantastiques, pour mieux imposer un style austère à l’esthétisme radical, donnant immédiatement envie de se plonger dans la production, encore méconnue, d’un pays loin, si loin...Paysages d’une sauvagerie déroutante, acteurs impliqués et méritants, thématiques à la fois ludiques et réfléchies... Loin d’être une succession de clichés, ces six films auront permis d’ouvrir une porte sur des filmographies encore vierge de vision, prouvant qu’il n’y a pas un cinéma nordique, mais bel et bien des cinémas du Nord.
Frederic Wullschleger Envoyer un message au rédacteur