ARTICLES
CLERMONT-FERRAND 2007 - Portrait d'une sélection - Sélection d'un portrait
Portrait d’une sélection
Clermont-Ferrand, sa cathédrale toute de noir vêtue, ses usines Michelin et son festival de cinéma. Voilà les trois bonnes raisons de venir faire un tour dans le Puy-de-Dôme, chaque année fin janvier, et, bataillants sur la neige et les trottoirs boueux, vous rencontrerez votre propre image dans le regard des passants : le regard de l’amateur de cinéma, version court-métrage, qui n’a que quelques jours pour profiter d’un maximum de projection. La coutume veut que, le soir, en rentrant, déjà à moitié endormi, on mette en place le programme du lendemain, en tenant compte des lieux de projection, des horaires, de la foule, et bien sûr de ses envies.
Tout le monde y trouve son compte, sans conteste : du plus petit (certains programmes étaient adressés aux enfants à partir de 3 ans), au plus grand, si tant est qu’on parvienne encore à saisir le choc des images à 23h, heure locale, après une journée de marasme cinématographique. Mais si le festival s’étale sur près de neuf jours et autour de quinze sites (du cinéma de quartier à la maison de culture et sa salle de plus de 1400 places), c’est parce que la quantité de courts-métrages projetés est impressionnante : quatorze programmes internationaux, douze français, et cinq « laboratoire » forment la compétition officielle. À ceux-ci s’ajoutent les programmes de courts-métrages classés par pays d’origine (Pologne, Afrique du Sud, Regards d’Afrique, Belgique, Europe, films français régionaux), par thèmes (Super-Héros, Autour de minuit), par âge (programmes enfants, scolaire, école et collège) et les programmes réunis autour d’une même bannière, de thème ou de production (Canal+, Clips, distributeurs et Le Fresnoy, une maison de production).
Et, après tout, parce que le cinéma repose surtout là-dessus, parlons un peu chiffres : près de 425 films projetés, plus de quatorze créneaux d’horaires, 61 850 euros distribués aux primés des trois compétitions, 506 réalisateurs cités dans le catalogue (de 208 pages) dont 320 annoncés comme présents, 2 800 professionnels au 22ème marché du court-métrage, et 1, 87 euro la place pour un abonnement de 30 billets achetés. Par exemple.
Après quelques jours passés à Clermont à une moyenne de 4 à 5 séances par jour (entre 8 et 10 heures de projection), ce n’est plus tant les réalisateurs, mais le jury qu’on applaudit, ne serait-ce que pour le féliciter de sa résistance physique. Mais face aux crevasses que la position assise peut infliger à notre corps (au dos, aux jambes, aux yeux !), l’esprit parvient encore à s’échapper grâce à certains courts-métrages, ceux qui nous parleront le plus, ceux qui nous parleront le mieux et ceux qui nous feront rêver ou réfléchir.
Sélection d’un portrait
Il serait non seulement difficile pour moi de dresser un portrait de la sélection de ce 29ème festival, mais tout aussi stupide d’essayer de le faire. Non, amis lecteurs, je n’ai pas pu tout voir, je n’ai pas pu tout lire, je ne pourrai avoir d’avis sur chaque objet cinématographique qui fut alors dévoilé. Je n’ai été spectatrice que d’une parcelle des bribes de lumière projetés sur ces écrans durant ces heures entières. Je ne saurais juger le festival dans son entier, mais je saurai juger le festival que je m’étais alors confectionné.
Et la première chose à dire est une chose à admirer. Devant l’ampleur d’un tel événement cinématographique (le festival de Clermont-Ferrand est au court-métrage ce que Cannes est au long !), l’organisation a été spectaculaire, alors que des centaines de personnes, de loin, de près, sur le devant de la scène ou derrière les rideaux, ont su gérer les foules dans une ambiance détendue, sympathique, souvent même légère. Au sortir des grands immeubles, des stands de hot-dog et de kebab accueillaient les affamés, rendant le festival aux gens de la rue, même emmitouflés dans leurs écharpes. Ici, pas de star à proprement parler, sinon celle de la rue, et dont nous sommes les premiers admirateurs. Et quand on croise le chanteur de Vénus trois fois dans la journée, on se dit que le soleil brille derrière les nuages…
On a souvent tendance à dire que le court-métrage est un essai pour les futurs réalisateurs de films longs. À Clermont-Ferrand, la plupart des projections faisait naître une évidence : le format court n’est pas au rabais, et il en dit parfois beaucoup. En 3 minutes, on peut tout autant plaire que se faire détester d’un public qui, en quelque seconde, « sent » déjà le film.
Finalement, qu’on parle d’un métrage de 3 ou de 300 minutes, le cinéma est surtout une question de rythme. Il y a d’abord le rythme des plans qui s’enchaînent avec intelligence et subtilité à l’intérieur du film. Et il y a les films qui s’enchaînent entre eux, malgré eux : question de rythme pour les sélections, puisque les courts-métrages, mis ensemble pour que chaque programme dure environ 1h45, parfois, n’allaient pas ensemble.
Mais si le cinéma n’est pas une affaire de temps, il est malgré tout (et parce qu’on le façonne souvent comme cela), affaire de réel. C’est alors la question du documentaire qui est posée, et (j’en suis désolée), je ne suis pas seulement déçue de ce que j’ai vu, je suis affligée. Qu’on me parle d’une mère immigrée ou d’un homme condamné, je vous écoute, mais la forme est trop scolaire, la forme est salutaire. En rendant le documentaire indolore et incolore, vous le tuez à petit feu, réduisant par là même le documentaire de grand écran à un reportage de petit écran, un reportage réduit en tout : en enjeux, en réel et en qualité. Le documentaire doit être un hommage au réel, un réel hommage, même.
Mais parce que la dernière impression est souvent la bonne, je me dois, amis lecteurs, à vous en laisser une positive, parce que le festival de Clermont-Ferrand l’est plus qu’il n’est possible d’imaginer. Ici, je ne rêve plus d’un festival accueillant et de qualité, je le vis.
Veni, vidi et… re-veni.