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Berlin 2014

Berlin 2014 - Bilan : Teddy awards 2014

64ème Festival de Berlin – Berlinale 2014
du 06 au 16 février 2014
Berlin – Allemagne

Les Teddy awards, prix des meilleurs films LGBT du Festival de Berlin, est une véritable institution en Allemagne depuis 28 ans. Le festival, toutes sections confondus, fait d'ailleurs chaque année la part belle aux film traitant de thématiques gay ou lesbienne, puisque cette année plus d'une trentaine de long métrage (sur les 150 présentés ici) faisaient partie de la pré-sélection des Teddys. Même si nous n'avons pu couvrir l'ensemble de ces films, voici un petit aperçu des œuvres qui nous on paru les plus intéressantes.Avec son histoire centrée sur le vieillissement d'un couple, qui se retrouve obligé de squatter chez des amis, "Love is strange" était certainement l'un des films les plus tristes de cette édition. Ira Sachs n'est pas ici un nouveau venu, puisqu'il avait été récompensé il y a deux ans pour "Keep the Lights On", l'histoire d'un couple qui n'en finissait plus de se déchirer. Ici c'est le duo John Lithgow / Alfred Molina, pourtant bien intégré en apparence, qui se retrouve en situation de précarité suite à un licenciement suivant leur mariage officiel. Un film troublant, où le besoin de tendresse et de proximité se confronte au vieillissement.

Le film indien "Papilio buddha" fut l'une des bonnes surprises, proposant une immersion dans une communauté de l'ouest de l'Inde. On y découvre un adulte, aidant un Américain à chercher des papillons parmi les plus rares, et espérant que celui-ci, avec lequel il a une liaison, l'aidera à échapper à sa condition. Place de la femme, homosexualité, répression policière, mépris des minorités : c'est un visage de l'Inde rarement évoqué, qui nous est ici présenté, sans détour (il y a même des scènes de torture...) mais avec beaucoup de sensibilité.

Dans le hongrois "Land of storms", c'est à une petite communauté dans laquelle il est de retour après avoir tenté sa chance en Allemagne dans une équipe de football, que doit faire face le jeune personnage principal. Aidé dans la reconstruction de la ferme dont il a hérité, par un jeune homme du coin, la liaison qu'il va entretenir avec lui va entraîner les foudres des locaux. Choix entre ses racines et un avenir exilé, choix d'une affirmation de sa propre nature, choix d'aimer quelqu'un plus même si les conventions le refusent, le film, esthétique et poignant, sent bon la liberté.

Après le "Ciel de Souely", le Brésilien Karim Ainouz est revenu cette année en compétition avec un film qui n'a pas fait l'unanimité. Dans "Praia do futuro", ont suit l'exil d'un secouriste brésilien, tombé amoureux d'un allemand. Déracinement, solitude, grisaille, spleen, déchirements, le film aligne certes des lieux communs, mais c'est pour mieux offrir des moments d'échappées, accompagnés d'une musique planante, qui résonnent comme de vibrants moments de vie ou de perdition. Poignant.La section Panorama s'est ouverte cette année avec le "Yves Saint Laurent" de Jalil Lespert, déjà sorti en France depuis un mois. Portrait du fameux couturier, le film aux aspects de téléfilm, peu intéressé dans son scénario par les aspects créatifs du métier, préfère se consacrer aux turpitudes du personnage. Sans grande âme, il bénéficie cependant d'un casting de choix, avec un Pierre Niney subjuguant en Saint Laurent et un Guillaume Galienne remarquable en Pierre Bergé.

Véritable plongée dans les bas fonds de Manille, "Quick change" nous propose un touchant portrait d'une communauté transsexuelle, focalisant son propos sur les dangers des injections de produits chimiques souvent illégaux, pour des raisons esthétiques. Entre culte de la beauté physique, et goût pour les concours de Miss, l'obsession pousse certaines femmes à devenir des sortes de tueuses en série, intoxiquant leurs clients, par besoin d'argent, manque d'expérience ou d'hygiène élémentaire, et méconnaissance des effets secondaires. C'est tout un système qui est ici mis à jour, le film résonnant comme une sonnette d'alarme. Indispensable.Petite déception du côté du Panorama, le film américain "Test" raconte l'apparition du SIDA dans les milieux de la danse à San Francisco. Sorte de "Fame" du pauvre, alliant volonté de réussite dans son métier et fond de vie intime instable, le film semble être tout droit sorti de l'époque qu'il évoque : les années 80. Rien de nouveau sous le soleil.

Au final, l'une des meilleures surprises aura donc été le film gagnant de cette année, le Brésilien "The way he looks" (qui sera traduit en France par "Au premier regard" et devrait sortir cette été). Contant le parcours initiatique d'un jeune aveugle, découvrant au contact d'un camarade de classe, son attirance pour les garçon, ce film étendard est à la fois charmant, lumineux, revendicatif et bien interprété. Composant avec la jalousie de la meilleure amie, l'infirmité non vécue comme telle de son personnage principal, ou encore les incompréhensions de parents sur-protecteurs, le scénario joue avec finesse la carte de la découverte sensorielle et de l'affirmation de soi.

Histoire de la rébellion d'une jeune fille face à des parents qu'elle méprise, "Supernova", film hollandais, ne laissera pas un souvenir impérissable. C'est ainsi que nous conclurons plutôt avec deux mots sur "Le cercle", docu-fiction également récompensé cette année, mais que nous n'avons pas pu visionner dans le cadre du festival. Racontant les prémices de la presse gay en Suisse, et les relations difficiles d'une communauté encore cachée avec les autorités suisses et allemandes, le film semble valoir lui aussi le détour.

Le Palmarès 2014 des Teddys awards

Meilleur film : Hoje eu quero voltar sozinho (The way he looks - Au premier regard) de Daniel Ribeiro
Meilleur documentaire/essai : Der kreis (Le Cercle) de Stefan Haupt (de)
Meilleur court métrage : Mondial 2010 de Roy Dib
Teddy du jury : Pierrot Lunaire de Bruce LaBruce
Prix des lecteurs de Siegessäule : 52 Tuesdays de Sophie Hyde
Teddy d'honneur : Elfie Mikesch
Teddy d'honneur : Rosa von Praunheim
Prix David Kato Vision & Voice : Sou Sotheavy (activiste transgenre cambodgienne)

Informations

Pour plus de renseignements :
Festival de Berlin - Berlinale 2014
du 06 au 16 février 2014
http://www.berlinale.de

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur