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Berlin 2012
Berlin 2012 - En vrac 2: Keep the lights on, Just the wind, Gnade, Cherry, Rebelle
Panorama
Keeps the lights on
de Ira Sachs, avec Thure Lindhardt, Zachary Booth, Julianne Nicholson, Souleymane Sy Savane, Paprika Steen...
Un couple ordinaire
Grand gagnant des Teddy awards 2012, le nouveau film de Ira Sachs (remarqué il y a quelques années avec « Forty shades of blue ») s'intéresse à l'évolution d'un couple, de la rencontre jusqu'à l'inévitable séparation. Plutôt amer dans sa tonalité, le scénario se concentre essentiellement sur l'immigré allemand, réalisateur-peintre, dont les toiles d'hommes nus composent le générique de début. Débutant en 1998, il dresse un portrait d'homme libre, aux pulsions contrôlées, qu'il évacue grâce à des rencontres téléphoniques hasardeuses, menant à de mauvais plans, puis à la rencontre décisive.
Sans fioritures ni excès dramatiques, Ira Sachs compose ses deux personnages, dont les rythmes se rencontrent, pour ensuite se séparer, sans vraiment éclairer les enjeux internes au couple, ni même ce qui fait leur union. Il filme un quotidien sans réel relief, un drame courant (l'addiction à la drogue) et balaye ainsi neuf années de relation chaotique. L'émotion, étrangement absente, pointe son nez dans les dernières minutes, lorsque le choix décisif doit être fait: se remettre ensemble ou partir chacun de son côté.
Compétition
Just the wind
de Bence Fliegauf avec Lajos Sárkány, Katalin Toldi, Gyöngyi Lendvai, György Toldi...
Persécution
Drame social traité à la manière d'un thriller, « Just the wind » aborde le sujet difficile et hautement d'actualité de la persécution des populations Roms. Partant d'un fait divers datant de 2008-2009, lié aux meurtres de plusieurs familles par d'autres citoyens roumains, le réalisateur nous plonge au cœur de camps et de quartiers, où les familles s'organisent pour assurer une surveillance et où s'installe peu à peu un climat de méfiance à la limite de la paranoïa.
Centrant le récit autour d'une famille censée rejoindre prochainement le père à Toronto, il oppose la précarité, la crasse des lieux quotidiens, la débrouille, le vol, à l'espoir d'une vie meilleure. Sans angélisme (le gamin vole ce qu'il peut...), il oppose aussi une réalité sociale et la perception d'un racisme ambiant, frôlant la persécution (à l'école, au travail...). Malheureusement, la tension initiale retombe progressivement, faute à un scénario tiré en longueur, le réalisateur éludant quasiment l'attaque finale, traitée hors champs ou dans l'obscurité la plus totale, en à peine 3mn. Dommage.
Compétition
Gnade
de Matthias Glasner avec Jürgen Vogel, Birgit Minichmayr, Henry Stange, Ane Dahl Torp, Maria Bock...
Quand la culpabilité revitalise le couple
Une famille allemande est installée depuis 9 mois en Norvège. En pleine nuit polaire, le 20 janvier, la femme, obligée de tenir un double service dans la maison de convalescence où elle travaille, heurte accidentellement quelque chose sur la route. Tous deux décident de ne rien dire, même une fois qu'il est avéré qu'il s'agissait d'une petite fille. L'engrenage est alors en place, destructeur, même pour les consciences les plus solides.
Empruntant des chemins inattendus, le réalisateur allemand Matthias Glasner signe un film dans lequel paradoxalement l'avenir s'éclaircit pour ce couple, à l'image de la lumière qui revient progressivement, les deux partenaires retrouvant de appétit l'un pour l'autre, grâce au partage obligé de ce lourd secret. Malheureusement, la tension installée par le regard d'un fils qui pourrait bien avoir compris et qui passe son temps à tout filmer, retombe progressivement pour cause d'excès de paraboles, du chœur aux consonances forcément religieuses, à la maison de convalescence où la mère aide les patients à mourir, comme elle voudrait aider la mère de sa victime à supporter ce deuil accidentel. Finalement, les plus belles scènes du film sont celles qui impliquent justement le couple de parents endeuillés, ceux-ci apparaissant à la fois dignes et écorchés.
Panorama
Cherry
de Stephen Elliott avec Ashley Hinshaw, James Franco, Heather Graham, Dev Patel, Lili Taylor...
Plongée progressive dans le monde du porno
Il va être difficile de ne pas confondre Stephen Elliott, écrivain américain dont c'est ici le premier film, et Stephan Elliott, réalisateur australien de « Priscilla folle du désert », déjà connu sur la scène mondiale. Avec « Cherry », nous voici propulsés dans le monde du porno, en plein San Francisco, au travers du portrait d'une jeune femme ayant accepté un beau jour, presque par hasard, les 300 dollars qu'on lui proposait pour une séance photos. Pudique, presque douce, la caméra de Stephen Elliott montre sans jamais étaler, elle évoque, élude, capte simplement l'essence de ce qui fait l'activité de cette Cherry.
Du coup, exit le glauque, l'engrenage n'en semble pas vraiment un, la belle ne vivant pas tout cela comme une descente aux enfers, mais comme un ensemble de choix de carrière, qui la mèneront à faire finalement partie de la « logistique », de la production, lorsque l'âge et la lassitude des spectateurs l'exigeront. Loin de tout jugement, le scénario se contente justement d'épingler ceux de ses proches, qui finalement font plus le malheur du personnage principal que le métier lui-même.
Compétition
Rebelle
de Kim Nguyen avec Rachel Mwanza, Alain Bastien, Serge Kanyinda, Ralph Prosper, Mizinga Mwinga...
Sacrifices
Chapitré selon les âges de son personnage principal, « Rebelle » est un énième film qui traite des enfants soldats. À 12 ans, les rebelles du Great Tiger débarquent dans un village au bord de l'eau et obligent l'héroïne à tuer elle-même ses parents. À 13 ans, elle doit combattre et tente de s'extirper de la bande, par le biais de son idylle avec un jeune albinos. À 14 ans, récupérée et engrossée, elle trouvera d'autres moyens pour se rebeller une nouvelle fois...
Si la scène d'ouverture, filmée caméra à l'épaule, est plutôt efficace, nous plongeant au cœur des sévices aveugles de la bande armée, la suite s'enlise dans une série d'entraînements et de combats, déjà-vus, qui n'apportent rien de bien nouveau. Seule l'échappée romantico-amoureuse entre celle qui est devenue une sorcière (elle peut voir où se trouve l'ennemi, grâce aux âmes qu'elle croise en forêt) et le jeune albinos qui est forcément considéré comme un magicien, amène un peu de grâce dans le monde sordide qui nous est décrit avec minutie. Rachel Mwanza a obtenu le prix d'interprétation féminine pour ce rôle, certes impliqué, mais qui s'inscrit dans un scénario dont la dureté n'a cependant plus rien d'original.
Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur