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L'AMOUR OUF

Un film de Gilles Lellouche

Ambitieux, formellement gonflé, mais aussi raté qu’interminable

Dans les années 80, dans le nord de la France, Clotaire, issu d’une famille nombreuse, et Jackie (Jacqueline), vivant avec son père, font connaissance au lycée et commencent à se fréquenter. Sérieuse, elle tâche d’étudier, alors que lui, un peu loubard, commence à mal tourner. Mais l’amour est bien là, malgré les coups durs…

Après le succès mérité du "Grand Bain", sorte de comédie chorale à l’anglaise, Gilles Lellouche revient derrière la caméra avec un film fleuve, "L’Amour Ouf", censé retranscrire la passion entre un homme et femme, née à l’adolescence lorsqu’ils étaient au lycée. Pour ce projet à l’ambition démesurée, il s’est d’ailleurs entouré une nouvelle fois d’un casting 4 étoiles, dont on retiendra surtout quelques moments de l’interprétation de Mallory Wanecque (découverte dans "Les Pires", qui joue Jacqueline jeune) et d’Adèle Exarchopoulos (Jacqueline adulte), le touchant et parfois désarmé père de Jacqueline (Alain Chabat) et surtout le tour de force de Jean-Pascal Zadi, en surprenant pote de Clotaire (le passage du coffre de voiture, est assez truculent). Adaptant ici le roman de Neville Thompson, en l’orientant plus vers l’histoire d’amour que vers le portrait de malfrats, il rate malheureusement le coche, après un début pourtant fracassant. La scène d’introduction augurait en effet d’un long métrage nerveux, avec la virée d’une bande de jeunes introduisant le personnage de Clotaire adulte (François Civil, investi), bien décidée à en découdre, qui tourne vite à la fusillade hors champs, l’auteur préférant suggérer la violence avec des silhouettes projetées sur le mur derrière une voiture laissée vide.

Malheureusement, Gilles Lellouche, dans son ambition formelle, paraissant ici vouloir contrecarrer la sagesse de mise en scène que certains avaient pu lui reprocher sur "Le Grand Bain", se perd dans de multiples tentatives d’originalité, qui pour la plupart tombent à plat. Le plan où haut et bas s’inversent alors que Clotaire chahute avec son frère dans des lits superposés, l’intense vision de la flamme qui zèbre le ciel au moment du générique, le plan centré uniquement sur des jambes lors d’un tabassage devant un hangar, la baise rythmée par un système d’éclairage automatique, ou encore l’attaque, très graphique, d'un fourgon au milieu des containers des docks, sont quelques rares moments où il réussit à surprendre sur les 2h41 de métrage. Mais la plupart des essais formels s’avèrent complètement ratés, quand ils ne sont pas juste gratuits. Il en va ainsi de l’éclipse solaire comme lien symbolique à distance entre les deux anciens amoureux, des effets de projecteur sur les visages, du montage clipesque sur fond de rap et ses ralentis montrant diverses agressions, ou des pénibles passages de danse fantasmée (doublée d’ombres chinoises ou plus chorégraphiée...).

Si le film avait tant partagé à Cannes, c’est sans doute qu’à la fois sa place en compétition était critiquable, et qu’au final le grand absent du résultat est justement cet élan de l’amour fou que nous vend le titre. Au lieu de cela, on a droit à une banale histoire de petit malfrat qui se brûle les ailes à vouloir jouer les caïds, réussissant tout de même à incarner le « deux poids deux mesures » dénoncé ici, mais doublée d’une histoire d’amour insipide et schématique, bien plus intéressante d’ailleurs dans la partie jeunesse que la partie adulte. Bancal et maladroit, "L’Amour Ouf" souffre de moments presque risibles (le passage dans le champ de colza, l’effarante et sortie de nulle part discussion sur le lait…), de dialogues naïfs du genre « le sacrilège c’est le meilleur des alibis » ou « selon puissant ou riche, les jugements vous rendent noir ou blanc », ou pour certains carrément ridicules (la liste des 457 mots pour la décrire, l’échange « je peux te dire un truc ? » / « moi non plus », ou encore « parce que pour toi l’avenir c’est Louis XIV ? »). Même l’utilisation des chansons finit par paraître toc, qu’on se laisse entraîner ou non par le rythme de "Eyes Without a Face" de Billy Idol ou "I Miss You Like The Desert Miss The Rain" d'Everything but the Girl. Reste qu’avec ce trop plein d’un romantisme de pacotille et d’essais formels, on se dit que le metteur en scène déborde d’idées, et qu’il saura mettre son talent dans un mélange plus équilibré entre écriture de qualité et maîtrise de ses ambitions.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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