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SUR UN FIL

Un film de Reda Kateb

Le cirque médecin

À la suite d’un grave accident, Jo se retrouve temporairement incapable de poursuivre sa profession d’artiste de cirque de rue. Lorsque l’un des membres de sa troupe lui parle de son travail de clown professionnel dans le cadre de l’association Le Rire Médecin, elle décide, peut-être un peu trop vite, d’entrer dans l’association. Désormais déguisée, maquillée et catapultée à l’hôpital au contact des malades et des soignants, à qui ces clowns tentent d’apporter de la joie et du réconfort, elle entame un processus de reconnexion aux autres et à son art…

Il ne faut pas se sentir surpris de voir Reda Kateb traiter du travail des « clowns professionnels » en milieu hospitalier. D’abord parce que l’hôpital est un décor tout sauf étranger à sa filmographie (ceux qui ont déjà vu "Hippocrate", suivez mon regard…), ensuite parce que son premier court-métrage "Pitchoune" (présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2015) prenait déjà le métier de clown à la fois comme axiome de départ et comme sujet de société. On pouvait en revanche se montrer méfiant quant au résultat et à sa portée fédératrice, d’autant plus quand la bande-annonce semble trop en dévoiler et enfiler comme des perles les passages obligés sur les thèmes croisés de l’ode à l’imaginaire et la « reconstruction intime » (tous les personnages du film paraissaient d’ores et déjà logés à cette même enseigne). Après avoir vu la bête, il convient vraiment de reconnaître à Kateb une belle modestie dans le traitement d’un sujet pas si simple et une absence totale de cynisme dans le ton adopté. Si le récit ne dévie effectivement en rien de ce que l’on pouvait en attendre (chaque ébauche d’enjeu fait deviner d’entrée quelle sera son issue), la croyance du réalisateur envers son histoire et l’incroyable chaleur humaine dégagée par tous ses personnages (égaux et nuancés jusqu’au plus petit second couteau) ont raison de toute critique.

Réputée pour son grand talent d’artiste de cirque (on en prend la pleine mesure dès la splendide scène d’ouverture, aérienne et hypnotique) mais aussi aperçue en tant qu’actrice dans certains films (dont "120 Battements par minute"), la jeune Aloïse Sauvage embrasse ici le rôle du regard extérieur par lequel va s’amorcer l’immersion dans cet univers associatif, drivé par un altruisme à toute épreuve. Et c’est au fond parce que sa curiosité et sa naïveté deviennent vite les nôtres que "Sur un fil" parvient à choper son spectateur par la corde sensible, et ce sans jamais le traiter comme le cobaye d’un quelconque téléguidage émotionnel – l’émotion n’a ici rien d’une prise d’otage. L’indéniable maîtrise de la caméra portée favorise ainsi notre plongée tout sauf distanciée dans un univers pas si familier que ça, l’humour désamorce le tragique tout en sonnant juste à force de surgir là où l’on ne s’y attend pas, et la grande linéarité du récit, tenue de bout en bout, contourne toute propension du réalisateur à faire mine de se croire plus fort que son sujet. De quoi nous rappeler que dans la majorité des cas, c’est la simplicité qui paie le plus. En fin de compte, pas un demi-gramme de pathos à dénicher dans ce film volontairement joyeux et optimiste, calé de bout en bout sur l’état d’esprit de son trio de protagonistes toujours prompts à chercher le positif au-delà du négatif, l’espoir au-delà de la tristesse, donc la fiction au-delà de la réalité.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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