UN AMOR
La tentation de s’isoler
Natalia, traductrice simultanée dans le cadre d’auditions de réfugiés, a fui la ville et son métier pour s’installer dans un petit village d’à peine 500 âmes. Malmenée par le propriétaire de la maison où elle s’est installée, qui refuse notamment de réparer des fuites dans la toiture, elle accepte cependant la chienne que celui-ci lui donne. Concentrée sur son potager et les traductions écrites qu’elle fait à distance, elle reçoit cependant la visite d’Andreas, surnommé « l’allemand », qui lui propose un étrange marché : réparer sa toiture en échanger de pouvoir de temps en temps « entrer en elle »…
Sans avoir la tension d’un "As Bestas", le nouveau film d’Isabel Coixet, réalisatrice intimiste des très beaux "Ma Vie Sans Moi" et "Carte des Sons de Tokyo", positionne son héroïne, Nat, au sein d’un village où tout le monde se connaît, et où les mots solitude et isolement semblent prendre une signification bien à part. Rapidement celle-ci fait la connaissance de ses voisins, Piter, célibataire d’une cinquantaine d’années qui l’aide pour son potager, espérant peut être plus qu’une amitié, un couple de personnes âgées, dont la femme est atteinte d’Alzheimer et dont elle acceptera de s'occuper ponctuellement, avec des promenades, et un couple de citadins présents seulement le week-end et ayant deux petites filles.
Le scénario construit un touchant et multiple parallèle entre le destin de l'héroïne et la chienne qui lui a été donnée, abîmée, visiblement maltraitée par le passé par le propriétaire de la maison ou son entourage. Prenant soin d’elle, c’est un peu un double qu’elle trouve là, même si comme cela lui l’est renvoyé en pleine face, ses souffrances ne sont pas forcément comparables à celles d’autres (les migrants qu’elle traduisait, le passé du mystérieux et solitaire Allemand...). Quant à la maltraitance, elle-même, dans ses contacts avec le propriétaire, comme avec l’Allemand et le développement de sentiments autour d’une relation au départ purement physique, viendra à l’expérimenter. "Un Amor" résonne alors comme un conte moderne plutôt cruel sur la blessure et la tentation de s’isoler. On en ressort la larme à l’œil, grâce notamment à sa formidable actrice principale, Laia Costa, qui était la jeune héroïne du percutant "Victoria", en 2015.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur