LA SIRÈNE A BARBE

Une troupe touchante et soudée, dans un film sincère qui n’évite pas quelques maladresses

À Dieppe, le cabaret La Sirène à Barbe accueille une troupe de Drag-Queens sous la direction de Maman, alias Beluga. Lassé des numéros classiques de playback de chansons de Cher, Régine ou Sheila, celui-ci leur demande de monter un spectacle original, bâti sur leurs propres chansons. Lors de la première, Erwan, jeune pêcheur du coin, qui était déjà intrigué, est tout juste fasciné, suivant la troupe dans sa célébration de cette soirée réussie…

Lui-même créateur du cabaret autour duquel se déroulent les intrigues du film, Nicolas Bellenchombre, coréalisateur du film, a voulu donner à voir une part de vérité (et d’intimité) derrière les personnes de spectacle que sont les membres de la troupe de La Sirène à Barbe, à Dieppe. En cela le film est plutôt réussi, parvenant à rendre attachants et touchants ses personnages, en dévoilant derrière la joie créative du spectacle, les souffrances et solitudes de certains. Évoquant ainsi quelques sujets touchant à ceux et celles qui font ce métier, mais aussi à la communauté LGBT+, tels que le vieillissement et le deuil, le rejet par la famille, la fidélité et le sexe facile, il parvient en effet à toucher du doigt le contraste entre la chaleur d’un public qui semble proche, et la solitude ressentie au quotidien.

Malheureusement le scénario atteint rapidement ses limites, semblant parfois sauter du coq à l’âne (lors du pique nique sur une colline à 4 kilomètres de la ville de Brighton, où la troupe est invitée à se produire, deux personnages - dont celui le seul qui connaît le lieu - décident en moins de deux de partir boire un verre ailleurs... laissant les autres et les affaires en plan...), et traitant a minima certains enjeux (comme l’attirance d’Erwan pour ce milieu...). De même, la quasi absence de personnages extérieurs à la troupe achève de rendre le projet quelque peu artificiel, comme si le lieu ne s’inscrivait finalement que dans des paysages urbains et pas dans une vraie ville (même côté Angleterre, le petit ami anglais de Sweety est quasiment invisible).

La qualité de jeu, inégale selon les scènes, n’est pas non plus le point fort du film, faute aussi à quelques dialogues maladroits (le couplet soudain su Grindr...), mais il faut lui reconnaître un effet de troupe attachant, tout comme la confection d’une ambiance visuelle qui va de pair avec la nostalgie ou le blues des personnages. En choisissant un traitement des couleurs qui semble plonger la ville toute entière, comme celle de Brighton, dans une ambiance de boîte du nuit proche de celle du spectacle (lumière vert d’eau et bleue pour l’appartement d'Erwan, lumière de phare de couleur rose sous un pier de Brighton...), Nicolas Bellenchombre et Arthur Delamotte savent traiter leurs cadres et maintenir le film entre réel et sublimation des décors urbains (l'arrivée du ferry, le vert d'un ponton...). On pardonnera alors les quelques maladresses, comme la scène de drague entre Alonso et Erwan ou leur bagarre nocturne, pour mieux profiter de l'aspect graphique des lieux et des double-sens des certaines paroles des chansons du spectacle.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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