LA MÉLANCOLIE
Des sentiments tout (trop) en retenue
Un matin, Watako quitte son appartement, échange quelques mots anodins avec son mari qui dort sur le canapé et pars prendre le train avec son amant Kimura. Très discrets, ils passent la nuit dans un camping et se quittent le lendemain après un dernier restaurant. Quelques instants après s’être dit au revoir, Watako entend un coup de frein suivi d’un choc, elle se retourne et voit Kimura gisant à terre…
Quoi de plus douloureux que de devoir faire le deuil de la personne que l'on aime dans le secret. Watako a assisté à la mort accidentelle de son amant, mais elle doit rentrer chez elle comme si de rien n'était, feindre la surprise quand une amie lui apprendra la nouvelle et trouver une excuse pour ne pas assister aux funérailles, histoire sans doute, de ne pas flancher devant la femme de son amour perdu.
Ces montagnes d'émotions refoulées finissent toujours par transparaître, or nous sommes au Japon, pays où montrer ses sentiments est un manque de respect en société. Le désespoir apparaît alors comme de la mélancolie. Or le portrait de Watako, qu'on imagine dévastée intérieurement, est analysé de façon bien chirurgicale. Takuya Katô, le réalisateur du film, s'attarde très peu sur l'intimité de son personnage en la confrontant constamment à son rapport aux autres et notamment à son mari, personnage froid et hyper rationnel.
En effet, très peu d'amour se dégage de ce film. Question romance, on retiendra juste cette main effleurée avec son amant et leur échange de bague la nuit au glamping (nom de la nouvelle tendance de camping glamour). Après l'accident, le moindre sentiment semble totalement inexistant au point qu'on se demande tout le film, pourquoi cette femme indépendante est mariée avec cet homme insignifiant qui gère sa vie de famille comme un plan de carrière, reportant la faute de son manque totale d'empathie envers sa femme et son fils (né d'une union précédente), sur sa propre mère, soi-disant envahissante.
Ainsi, on assiste au deuil caché de Watako comme s'il s'agissait d'une analyse sociologique de la société japonaise. Et "La Mélancolie" semble un simili-docu aseptisé au cadre parfait qui accentue tellement la retenue de ses personnages qu'il relève presque plus de l'exercice de style que d'une fiction de cinéma.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur