LA RÉCRÉATION DE JUILLET
Régressif et émouvant
Prof de musique débutant sa carrière dans le collège qu’il a fréquenté en tant qu’élève, Gaspard fait face à un drame personnel : la mort de sa sœur jumelle. Alors que l’année scolaire se termine, il propose à cinq amis de ses années collège d’investir l’établissement après la fin des cours en juillet…
Affirmons d’abord ce qui n’est pas toujours une évidence pour tout le monde : la qualité d’un film ne se mesure pas forcément à la crédibilité du moindre détail. Pour ne pas passer à côté des qualités de "La Récréation de juillet", il faut ainsi accepter que la situation générale ne corresponde pas à la réalité d’un établissement scolaire : les enseignants et les divers professionnels d’un collège ne disparaissent pas des lieux le soir même des derniers cours ; un principal (c’est le terme exact) ne se définirait pas lui-même comme « le directeur de l’école » (terminologie qui correspond au primaire) ; et une présence aussi peu discrète d’intrus dans un collège serait rapidement repérée et signalée (par un gardien, le voisinage, des patrouilles de police…). Donc gardons à l’esprit que le cinéma nous ment, mais que cela n’est pas une mauvaise chose !
Ici, il convient donc d’envisager l’occupation clandestine d’un collège comme un prétexte poétique permettant de réexplorer le principe du huis clos, mais aussi de s’approprier un lieu symbolique où s’expriment toutes les émotions (dans la cour de récré, il y a des joies, des peines, des colères…) et où se côtoient l’enfance et l’âge adulte dans un vivre-ensemble qui ne va pas toujours de soi. La coexistence et l’acceptation sont d’ailleurs des thématiques qui traversent ce récit sur fond à la fois de deuil et de retrouvailles entre potes. Le cadre scolaire du récit permet aussi à ces jeunes adultes d’agir de manière régressive, comme une forme de libération qui s’avère paradoxale par rapport au drame qui les réunit (et d’évasion tout aussi paradoxale, compte tenu de cet enfermement volontaire). Le collège se transforme ainsi en une sorte de colo autonome pour grands enfants qui peuvent rire, s’amuser et pleurer ensemble.
Au sein de cette parenthèse mi-enchantée mi-tragique, six personnages donnent corps à cette volonté de conjurer la mort à travers cet illusoire retour en enfance. Andranic Manet ("Un vrai bonhomme", "Première Affaire") enchaîne à merveille les émotions, livrant également, le temps de quelques scènes solo, de superbes performances poétiques alliant mime et chorégraphie. Pour accompagner ses états d’âme, Noée Abita ("Ava", "Slalom", "Première Affaire") interprète de temps à autre la défunte sœur jumelle à travers l’utilisation originale d’une voix off (au sens strict, ce n’est ni une narration ni un dialogue). Parmi les autres membres de cette petite trouve, on retiendra notamment Alassane Diong, qui donne parfois l’impression d’être d’un clone de son oncle (Omar Sy, avec qui il avait débuté dans "Tirailleurs"), mais qui maîtrise très bien sa partition.
À la fois drôle et mélancolique, le récit est magnifiquement mis en musique, par le biais de la composition originale du groupe Kids Return, qui parvient à donner un sentiment étonnant de déjà-entendu au sens positif du terme (touchant ainsi la corde sensible), mais aussi par l’utilisation du tube "Relax, Take It Easy" de Mika (comme l’un des marqueurs de cette génération) ou celle du classique "Elle était si jolie" d’Alain Barrière, chantée en chœur par les personnages (coïncidence cinématographique : ce titre était déjà remis à l’honneur cette année dans "La Petite Vadrouille" !).
Si quelques aspects peuvent paraître clichés et si les réactions des protagonistes lors du twist scénaristique (que l’on ne révélera évidemment pas) peuvent laisser perplexe, cela ne gâche en rien l’intensité émotionnelle de ce film au grand cœur qui fait passer du rire aux larmes et inversement.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur