ON BECOMING A GUINEA FOWL
Lancer l’alerte
Revenue à peine il y a deux jours, Shula découvre au milieu d’une route, à proximité d’un bordel, le corps de son oncle Fred, décédé. Elle appelle d’abord son père, qui lui demande de l’argent pour le taxi. Voyant qu’il n’arrive pas, elle ouvre la fenêtre à l’une de ses cousines, passablement alcoolisée, qui dansait autour de la voiture…
Le moins que l’on puisse dire c’est que le film zambien "On Becoming a Guinea Fowl" est culotté. Créant une belle parabole en comparant les femmes de sa famille à des pintades (celles du titre donc...), le film interroge intelligemment l’éducation faites aux femmes et la solidarité dont elles peuvent ou non faire preuve, face a la détresse née d’un divorce, au jugement que constituent certaines traditions, ou aux maltraitances et violences subies par certaines d’entre elles. C’est en effet autour de la mystérieuse mort d’un oncle, qui appelle la « discrétion », que vont peu à peu se dénouer des secrets, les langues se déliant au passage entre trois cousines, chacune ayant des choses à reprocher a cet oncle que l’on pleure dans la plus grande tradition, en avançant à genoux, en rampant ou en se réunissant bruyamment.
Cette charge contre les aspects figés de traditions aveugles à la situation des femmes (toujours coupables d’avoir négligé leur mari si c’est lui qui va voir ailleurs...), contre le pouvoir sans équilibre des hommes, seuls juges de vérités qui arrangent et ménagent une paix sociale, et contre la complicité active de certaines, est d’une efficacité d’autant plus redoutable qu’elle adopte une tonalité de comédie, malgré la gravité des sujets abordés. L’intelligente symbolique des pintades, censées pourtant donner l’alerte quand un prédateur menace le groupe, et qui préfèrent caquetter où se chamailler, prend tout son sens autour d’une scène de partage d’un héritage, des enjeux de survie étant mis en parallèle par l’héroïne elle-même, dont l’attitude dans la dernière scène vient enfoncer le clou. Un candidat très sérieux pour le Prix Un Certain regard décerné vendredi soir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur