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LE SALAIRE DE LA PEUR

Un film de Julien Leclercq

Un remake désespérément insipide

Plusieurs Français vivent dans un village d’une région reculée et désertique d’un pays d’Afrique où la situation est instable depuis un coup d’État. Après un incident avec des terroristes locaux, un incendie se déclenche dans le puits de pétrole situé à proximité. Pour gérer la catastrophe, la compagnie pétrolière française qui exploite le site propose une mission qui permettrait à la fois un gain financier important et une possibilité de quitter le pays. L’objectif : transporter de la nitroglycérine à bord de deux camions sur plusieurs centaines de kilomètres…

Le Salaire de la peur film movie

Sortie le 29 mars 2024 sur Netflix

Passer après Henri-Georges Clouzot ("Le Salaire de la peur", 1953) et William Friedkin ("Le Convoi de la peur", ou "Sorcerer", 1977) pour adapter la même histoire (un roman de Georges Arnaud datant de 1949), on se demande si cela tient du courage, de la prétention ou de l’inconscience ! C’est pourtant ce qu’a essayé de faire Julien Leclercq ("L’Assaut", "Gibraltar", "Braqueurs"…) pour le compte de Netflix (pour qui il avait déjà signé "La Terre et le Sang" puis le peu convaincant "Sentinelle"). Quand on lit qu’il qualifiait le projet de « reboot » en 2023, il y a de quoi être encore plus perplexe avec l’usage d’un terme aussi inapproprié : Leclercq avait apparemment l’ambition d’en faire un blockbuster bourré de testostérone !

Le résultat est à la hauteur des appréhensions : sans saveur. Dans une tentative d’inscription du récit dans notre présent, Leclercq et son coscénariste Hamid Hlioua disent adieu à l’Amérique latine pour situer leur version en Afrique, dans un pays fictif qui pourrait être un mélange de Maroc et de Niger. Autre signe des temps : la présence d’un personnage féminin dans le convoi (ce qui n’était le cas ni chez Clouzot, ni chez Friedkin). Peine perdue : ces mises à jour contemporaines n’apportent rien et n’évitent pas les clichés. Mais l’aspect moderne le plus handicapant est même ailleurs : les progrès technologiques, notamment en termes de téléphonie mobile, annihilent un des atouts des versions antérieures, c’est-à-dire le fait de mettre les personnages face à leur isolement et leur manque de moyens. On perd cruellement en tension avec cette variante 2024. Un comble pour un film qui avait clairement l’intention de jouer la carte de l’action à grand spectacle. Rien ne permet de créer une atmosphère à la hauteur de ses prédécesseurs : ni les effets spéciaux numériques, ni l’image aux tons jaunes qui se veut étouffante, ni la musique parfois envahissante d’Éric Serra.

Et pouvait-on imaginer qu’un tel casting puisse arriver à la cheville des distributions des films de Clouzot et de Friedkin ? On n’a rien contre Ana Girardot, mais elle n’a clairement pas de quoi exploiter son talent dans un tel film (elle est clairement plus épanouie chez Klapisch, par exemple). Astrid Whettnall, l’autre actrice du film (si l’on met de côté un autre personnage quasiment réduit à de la figuration), ne fait pas dans la subtilité dans son rôle caricatural : la « méchante » de la compagnie pétrolière (sur ce point aussi, le film de Clouzot s’avérait bien plus raffiné dans la critique du capitalisme). Côté mâle, c’est loin d’être brillant : Franck Gastambide joue sa partition de Vin Diesel à la française (on est donc dans quelque chose de fadasse avec des muscles) alors qu’Alban Lenoir continue de s’enfermer dans les personnages de film d’action en colère que lui offre Netflix depuis quelques années (déjà 4 après "Balle perdue" et sa suite, puis "AKA" – qu’elle semble loin, son interprétation prometteuse dans "Un Français" !). Quant à Sofiane « Fianso » Zermani, il semble capable d’une seule chose : beugler ses répliques à la manière d’un caïd vénère – l’ampleur riquiqui de sa palette d’interprétation est encore plus comique le temps d’une courte scène où il tente manifestement et grossièrement de reprendre le jeu initial d’Yves Montand ! Aïe !

Au final, il n’y a rien d’autre qu’une soupe insipide, sans surprise ni créativité, sans tension ni message. Rien qu’un fade film d’action où l’on s’ennuie avec un décompte régulier qui semble apparaître pour nous donner encore plus la sensation d’une perte de temps. Alors terminons par la seule chose réellement positive : Leclercq nous aura donné envie de revoir les versions de Clouzot et de Friedkin !

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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