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Clermont-Ferrand 2024
Festival de Clermont-Ferrand 2024 - retour sur le Programme F9
QUEEN SIZE de Avril Besson
2 étoiles
Charlie, une jeune femme qui déménage pour retourner à La Réunion chez ses parents, rencontre juste avant son départ Marina à qui elle vend son matelas « Queen size ». Charlie décide d’aider la petite Marina à transporter le volumineux matelas jusqu’à chez elle, l’occasion pour ces deux inconnus de se découvrir et de regretter de ne pas s’être connues plus tôt.
Nos deux protagonistes viennent d’affronter des épreuves difficiles. Marina a perdu le dernier membre de sa famille et se retrouve à hériter de l’appartement de sa grand-mère. Charlie doit retourner à La Réunion faute de moyens pour subvenir à sa vie parisienne.
À travers leur voyage éclair d’un appartement à un autre, tirant ce grand matelas à travers la ville, elles se découvrent l’une et l’autre et se rendent compte qu’il y a en germe une grande histoire d’amitié ou d’amour qui pourrait les unir. D’ailleurs ce matelas n’est-il pas trop grand pour une personne ? [ATTENTION Spoiler] Charlie prendra la décision de rater son avion pour La Réunion lorsque Marina, depuis la fenêtre de son appartement, lui propose de rester.
C’est un film parlant de romance idéale et qui flirte avec une certaine naïveté. C’est un équilibre difficile à tenir : comment détourner les clichés et les attentes ? Si le film n’y arrive pas tout le temps, il saura parler discrètement d’ouverture d’esprit, en abordant sans paroles des sujets forts avec son personnage de Charlie, une femme de grande taille comme un mannequin, à la voix un peu grave et qui refuse de montrer à Marina des photos d’elle enfant.
MARGARETHE 89 de Lucas Malbrun
3 étoiles
Leipzig, Margarethe, une jeune punk contestataire du régime est-allemand, est internée en hôpital psychiatrique. Elle tente de s’enfuir pour rejoindre Heinrich, un chanteur punk dont elle est amoureuse. Alors que le régime vit ses dernières heures, la Stasi répand plus que jamais ses mouchards.
Dans ce film, tout suinte la désillusion, même si le régime est-allemand tombe, que le pays est libéré d’une oppression, ce n’est pas une victoire pour nos personnages. Cette désillusion est retranscrite à travers l’animation, dont les couleurs sont obtenues grâce à un coloriage de feutre, un coloriage imparfait comme ceux que nous faisions à l’école : en somme c’est la désillusion quant à l’espoir un peu enfantin d’un monde meilleur. Cette désillusion passe aussi par l’amoureux de Margarethe [ATTENTION Spoiler] qui n’attendra pas qu’elle sorte de l’hôpital psychiatrique, à la place il fuira son pays à peine ses frontières rouvertes. Une fin d’autant plus amère que Margarethe est définitivement brisée par une séance d’électrochocs. La libération de ce pays a laissé des cicatrices, c’est en fin de compte une histoire de cœurs brisés, que ce soit entre deux amoureux ou entre un pays et son peuple.
LA MAISON BRÛLE, AUTANT SE RÉCHAUFFER de Mouloud Aït Liotna
1 étoile
Yanis, un jeune Kabyle, s’apprête à partir pour Paris. À la veille de son départ, un de ses proches amis meurt alors qu’il essayait de couper un câble de réseau électrique pour en revendre le métal.
Yanis est un personnage perdu qui avance sans grande détermination et qui donne ainsi un air contemplatif à ce film. L’écriture n’arrive pas à retirer une intensité de ces scènes et joue malheureusement d’incohérence. Alors que Yanis a travaillé deux ans pour accumuler de l’argent pour partir en France, lorsqu’un homme lui fait les poches dans un bar, il ne le poursuit pas alors que celui-ci a quitté le bar depuis moins de dix secondes. À la place, lui et son ami vont questionner des gens dans le village avant de finalement récupérer l’argent après une vague altercation sans difficulté. Pourquoi se permettre un tel détour dont la résolution est si peu intense ?
Le risque d’une œuvre qui embrasse trop le contemplatif et possède trop de problèmes d’écriture, c’est qu’on finit par ennuyer le spectateur. Non pas que ce film ne possède pas de qualité. L’auteur donne une bonne représentation de la manière de vivre de son personnage (la scène où Yanis fait sa toilette est très agréable à regarder)… L’opposition entre un Paris fantasmé et un pays en reconstruction et déconstruction (notamment à travers ses câbles électriques que le personnage mort voulait revendre ou bien ce chantier sur lequel Yanis et son ami interrogent quelqu’un) est intéressante, mais l’auteur n’arrive pas à en extraire le potentiel.
Finalement, c’est probablement le manque de technique qui joue contre l’auteur. Prenons par exemple ce plan final de 2 minutes où l’on voit le personnage s’éloigner au loin. Eh bien ce plan-là peut être un régal de cinéma s’il est bien utilisé, ou ici simplement un autre plan qui traîne en longueur et qui rallonge un film de 42 minutes où il ne se passe pas grand-chose.
APNÉES de Nicolas Panay
4 étoiles
Pierre fait de son mieux pour mener à bien le chantier dont il est responsable malgré les problèmes qui s’accumulent.
Le film commence en pleine canicule, avec un ouvrier en pleine crise d’asthme, ayant respiré trop de poussière, qui manque de peu de mourir dans les bras de Pierre. Après un long moment sans respirer, la Ventoline le ramène à la vie. Voilà un début impactant qui a su poser son titre : Apnée.
Pierre, le conducteur de chantier, est comme un père qui veille sur ses ouvriers. Il veille sur eux et porte le poids de cette responsabilité. Un poids d’autant plus lourd à porter qu’il doit composer avec un problème de communication entre son équipe ou contre la malveillance d’une maire qui ne souhaite pas rallonger le planning de livraison du chantier mettant la vie des ouvriers en danger. On leur demande aussi que le chantier fasse moins de bruit pour ne pas gêner le voisinage, et ils doivent ainsi retirer les alarmes des véhicules, mais cela signifie la mort inévitable d’ouvriers.
Ce film exploite d’une main de maître la tension que peut receler cette histoire, nous retenons notre respiration tout du long jusqu’à ce final en beauté qui nous presse sur nos sièges, [ATTENTION Spoiler] où Pierre après de multiples hallucinations se met à courir, traversant le chantier comme un fou pour retourner dans sa voiture, où il a oublié son bébé par une journée de canicule.
Yvan Coudron Envoyer un message au rédacteur