DIÓGENES
Un sublime noir et blanc, pour une histoire familiale sombre et poétique
Diogenes vit avec ses deux enfants, Sabina, adolescente, et Santiago, enfant, dans une maison isolée dans la montagne péruvienne. Artiste qui peint sur des Tablettes de bois (les Tablas de Sarhua), il va de temps à autres au village, pour troquer celles-ci contre le nécessaire pour vivre et se nourrir. Mais il refuse que sa fille vienne avec lui, arguant que les gens du village sont « tous des loups »…
Le film s’ouvre sur un plan intrigant sur un chemin, en forêt. En se rapprochant, la caméra permet de distinguer, sous quelques branchages, la gueule d’un chien, que deux paires de pieds viennent ensuite enterrer sous plus de bois, mettant feu au monticule ainsi créé. C’est sans doute comme cela que dans cette partie des Andes péruviennes, où vivent isolés deux enfants (Sabina, adolescente et Santiago, encore enfant) avec leur père Diogenes, peintre sur bois, que l’on enterre discrètement non seulement les animaux, mais aussi les victimes de la guerre civile, du fait des affrontements de l’armée ou du sentier lumineux. Une scène autour d’indigènes habillés richement, viendra ensuite rapidement, avec son ralenti suggérant qu’il s’agit d’un souvenir, sur fond de coups de feus, nous suggérer le sort de la mère, une femme étant tirée au sol par les cheveux. C’est dans cette suggestion d’un destin tragique pour cette famille, que la suite du métrage va naviguer entre aspects quotidiens, filmés à la manière d’un documentaire, et contes oraux qui convoquent des figurent surnaturelles.
Dans le moindre détail, le quotidien de pauvreté où le troc d’artisanat contre de la nourriture ou des produits de première nécessité, est scruté, le noir et blanc et les contre-jours permettant de magnifier la simplicité de ces moments : des volutes de fumée autour d’une marmite bouillante, le jeu du fils avec des insectes, la toilette avec une bassine d’eau claire... Au fil d’un récit qui va confronter les deux enfants au passé de leur famille et aux raisons de leur isolement, c’est aussi la tradition de la transmission orale qui trouve ici une place, avec une certaine poésie, au travers des histoires que le père chuchote à sa fille sur un monstre plein d’eau qui détruit tout, et dont la fille semble s’emparer, chuchotant à son tour à son petit frère à propos de deux soleils qui auraient tout brûlé sauf l’eau, et l’or et l’argent cachés. Une histoire cruelle, d’où émerge par quelques plans sur les dessins sur les tablettes laissées par le père, le destin de cette famille, au père supposé maudit, considéré de manière parabolique comme un chien entouré de loups.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur