Festival Que du feu 2024 encart

PEPE

Errances de disparu(s)

Une voix, appartenant à un hippopotame, semble avoir conscience de sa propre mort, qui a eu lieu, chose exceptionnelle, en Amérique. Il s’interroge sur sa connaissance des mots et de lieux, au nom d’Afrique…

L'intrigant "Pepe" est reparti du Festival de Berlin avec un Prix de la mise en scène pour Nelson Carlos De Los Santos Arias, fort justifié par le caractère éclaté de la narration, au sein d'une œuvre contemplative qui semble laisser l'esprit de son personnage principal, vagabonder au fil des lieux et d'un temps qui s'écoule lui aussi, en ordre dispersé. Ce personnage n'est autre qu’une sorte de fantôme d'un hippopotame décédé, après avoir été importé d'Afrique, et avoir fait partie d'une réserve en Colombie (le zoo privé de Pablo Escobar, que l'on apprend décédé dans les premières scènes du film...). Cette histoire, contée par bribes au milieu de multiples divagations, qui font la part belle aux paysages (couchés de soleil, dunes, étendues d'eaux d'où dépassent les têtes d'hippopotames immergés…), sera prétexte à effleurer d’autres sujets (la peur de l’étranger, la paranoïa des puissants armés...).

Le film s'ouvre sur des images blanches et le son de conversations au talkie-walkie, à la manière d'une traque. On voit ensuite une télé allumée, sur laquelle passe un dessin animé dont les héros ne sont autres qu'un perroquet et un hippopotame bleu prénommé Pepe, le surnom justement donné par la presse à ce fameux animal, importé aux Amériques. Puis vient un groupe de jeunes militaires dans un camion, et un écran noir, le son faisant place à des ordres et des bruits de fusillades. Qui est la victime ? L'hippopotame traqué, ou d'autres personnes, victimes d'une armée en chasse, ou de trafiquants armés ? On ne le saura pas vraiment, le film laissant planer ici son étrange parabole entre le sort de l'animal médiatisé et celui des autres gens du coin. Mais c'est pourtant là que la voix commence à retentir, passant par la suite par différentes langues, comme pour mieux s'imprégner de ses racines lointaines et des lieux traversés.

Vous l'aurez compris, "Pepe" n'est pas un film facile d'accès. Les notions de temporalités et de lieux s'effacent rapidement face aux images de nature, où l'on peut voir plusieurs hippopotames, au profit d'une étrange poésie faite de légendes sur la force de l'animal ou le malheur qu'il peut présager. Les figures de la bête, d'Escobar, des opposants ou victimes, d'esclaves importés, semblent se confondre progressivement, tout comme les langues se mélangent, ou Noir et Blanc et Couleur alternent. Comme si une sorte de légende, forcément irrationnelle, se dessinait sous nos yeux, "Pepe" s'irrigue de digressions avec d'autres figures (celle d'un pêcheur supposé infidèle, celle de participantes à concours de miss et leurs rêves pour changer leur territoire...), faisant écho à différents sujets plus grave, pour mieux toucher à l'universel.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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