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CHRONIQUES DE TÉHÉRAN

Un puissant acte de résistance

À Téhéran, neuf personnes, de sexe et âge variés, font face à des lois ou des mentalités qui entravent leurs libertés…

Chroniques de Téhéran film movie

Le dispositif est minimaliste : un enchaînement de plans-séquences fixes, chacun centré sur un personnage différent (n’ayant a priori aucun lien avec les précédents), avec les autres protagonistes présents grâce à leur voix car restant hors champs – ou à la rigueur en amorce. La simplicité apparente de ces sketches ne fait qu’accentuer la puissance de ce long métrage, nouvel acte de résistance cinématographique face à la censure de la République islamique. Et ce procédé n’est pas synonyme d’absence de créativité : par exemple, à travers le regard caméra magnétique de la gamine qui est supposée se regarder dans le miroir (successivement en dansant avec ses écouteurs puis en essayant à contre-cœur une tenue islamique), le personnage nous interpelle et on ressent son mélange d’accablement et de soif de liberté.

Usant d’un humour grinçant et ironique, Ali Asgari et Alireza Khatami jouent la provocation avec subtilité pour dénoncer l’absurdité des lois et des comportements dans une société hypocrite et sclérosée. Avec malice, "Chroniques de Téhéran" met les oppresseurs face à leurs contradictions et, en les maintenant hors champ, les réalisateurs parviennent à la fois à les déshumaniser et à souligner le côté « Big Brother » très pernicieux de la société iranienne : n’importe qui peut faire figure de bourreau, de dénonciateur ou de moralisateur, avec tous les abus de pouvoir que cela peut engendrer.

Le duo met ainsi en scène des situations réalistes qui sont toutes plus ahurissantes les unes que les autres. Bien que certaines séquences soient plus marquantes, l’ensemble est homogène, hormis un dernier plan plus abscons, car plus allégorique, qui complète la collection avec un dixième personnage mutique, le plus âgé de tous après un enchaînement croissant dans les âges des protagonistes (le premier du film étant le plus jeune de façon indirecte puisqu’il met en scène le père d’un nouveau-né). Une façon, sans doute, de nous indiquer que la théocratie iranienne court inexorablement à sa perte malgré toutes ses tentatives de soumettre la société. Et finalement, si l’on rit parfois jaune face à l’effarante réalité que nous dépeint ce film, il en ressort un esprit combatif qui apporte de l’espoir pour le peuple iranien.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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