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BLACK TEA

De troublants liens entre plusieurs cultures

Aya, jeune ivoirienne, ne veut pas vivre dans le mensonge en faisant semblant d’être heureuse. Elle étonne alors tout le monde le jour de son mariage, en disant « non ». Elle s’installe alors en Chine, où elle travaille dans une boutique de thé. Mais les leçons que lui donne Cai, le patron, se transforment peu à peu en des moments plus intimes entre eux…

Abderrahmane Sissako, était forcément attendu, près de 9 ans après la sortie de l'envoûtant "Timbuktu", sensation à Cannes et film multi-primé à l'international. Malheureusement la magie n'est pas cette fois au rendez-vous, le réalisateur mauritanien multipliant les maladresses autour d'une histoire d'exil, mais aussi de liens amoureux entre différentes cultures. Son récit commence par une fourmi, évoluant sur un voile blanc ondulé, comme si elle cherchait son chemin dans les dunes. On peut y voir là une résonance avec les hésitations d'Aya, jeune femme ivoirienne, réfugiée aux toilettes, et prise d'angoisses juste avant son mariage. Devant d'autres couples qui attendent eux aussi d'être mariés, et malgré la ferveur des familles, elle s'apprête à dire « non » pour ne pas faire semblant d'être heureuse. Ceci alors que son fiancè, écrase cette fourmi, qui pourrait être elle, ou tout au moins le symbole de sa personnalité.

Une superposition d'images s'en suit, avec sa silhouette qui marche et les rues dans lesquelles elle passe, avec en lien sonore une version très light a capela de "I"m feeling good" de Nina Simone, tel un signe d'une liberté retrouvée. Une liberté qui va s'incarner, le temps d'une ellipse, dans son exil en Chine, et la naissance d'une passion pour le thé (elle travaille dans un magasin d'export) et pour un homme (Cai, le patron de celui-ci). La structure narrative de "Black Tea" n'est pas toujours des plus claires, passant parfois du coq à l'âne, évoquant l'exploration érotique par Aya bien plus que son lien avec une communauté incarnée par un salon de coiffure africain, effleurant pour Cai le manque et le renouement avec une fille qu'il aurait eu à ce qu'on devine être le Cap Vert, dans ce qu'on ne sait pas trop s'il s'agit d'un rêve ou non.

Malgré des qualités esthétiques indéniables, l'auteur filmant souvent des reflets dans des vitres, donnant ainsi l'impression de superpositions, ou incarnant par là la promiscuité des rues, "Black Tea" semble manquer un peu de substance en s'éparpillant entre divers sujets. Il évoque ainsi de manière maladroite la place d'une maîtresse dans une famille en décomposition (la scène du repas avec les parents et la femme de Cai, où le fils doit se positionner...), le racisme face aux migrants africains, mais aussi la distension avec sa propre culture. Si on peut le voir comme un film rendant hommage au courage des femmes qui refusent d'être malheureuses, en mettant ainsi en parallèle les comportements d'Aya et de la femme de Cai, il ne parvient cependant qu'en partie à émouvoir.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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