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THE VISITOR

Un film de Bruce LaBruce

Une relecture de Pasolini politiquement creuse

Une valise s’échoue sur les rives de la Tamise. En sort un mystérieux homme noir, nu et couvert d’écume. S’introduisant dans la tente d’un SDF, il vole les vêtements de celui-ci et se rend devant une grande demeure où il sera embauché en cuisine. Mais sa présence va créer le trouble chez tous les résidents de la maison, la bonne, les enfants resté au nid, comme les parents…

Bruce LaBruce est un habitué de la provocation, n’hésitant pas à montrer des sexualités considérées comme tabous, et à transcender les questions de genre. Il est notamment le metteur en scène du culturisme "Hustler White", et plus récemment des très intéressants "Saint Narcisse" et "Gerontophilia". Le voici qui nous propose avec "The Visitor", une relecture du "Théorème" de Pasolini, dans laquelle il remplace l’homme qui séduisait tous les membres d’une famille bourgeoise, par un homme noir débarqué le long d’un rivage, et surgi d’une valise symbolisant son voyage, tel un migrant venu ici contester l'ordre établi. Divisé en différentes parties, intitulées "L’ arrivée", "La famille", "La bonne", "La mère", "La fille", "Le père", "Hey DJ", "Le fils" et "Libération", leur titre ne préjuge au bout d’un temps plus de qui va réellement être la personne avec laquelle l’homme noir va avoir un rapport sexuel.

Dans le fond, l’auteur ne choque plus vraiment par l’aspect porno de la plupart des scènes, multiples gros plans à l’appui. Il faut aussi dire que ses personnages n’ont pas vraiment d’existence en dehors de leurs pulsions (SM, anales, masturbatoires, fétichistes des pieds...). Et une fois passée la scène de préparation d’un repas bien à part et sa dégustation, savamment exagérée pour provoquer le dégoût, l’ennui arrive très vite. Car n’est pas John Waters qui veut, et malgré une caméra qui va et vient entre les convives, la plaisanterie n’amuse qu’un temps. Mais au moins le ton est donné, et Bruce LaBruce peut nous infliger ensuite son catalogue de pratiques et de supposés changement provoqués chez les personnages bourgeois (tous sont lassifs sur leur pelouse, la mère est addict du shopping...) dans une sorte de damier ou kaléidoscope de couleurs, d’effets stroboscopiques inutiles et de pseudo déclarations écrites, visant la libération sexuelle et celle du capitalisme.

Toutes ces phrases mises bout à bout, parfois en rapport avec l’image, si elles ne constituent pas une pensée politique, ont au moins le mérite de faire sourire. Qu’il s’agisse d’allusions cinéphiles (« le charme charnel discret de la bourgeoisie ») ou musicales (« give peace of ass a chance »), de déclarations libératrices (« libération anale maintenant », « incest is the best » , « vote for sex change », alors que la barbe de la fille pousse), ou pseudo politiques (« colonise le colonisateur », « envahis mon cul »...), tout cela est bien indigeste. Et le tout culmine dans une scène ridicule où l’homme noir annonce son départ, se déclarant « pan sexuel révolutionnaire », aussi mal jouée que le seront les déclarations des autres personnages par la suite. Restent tout de même quelques idées de mise en scène, comme la baignoire façon sac de courses de grande marque, le travelling latéral sur fond noir où apparaît la même table à manger plusieurs fois (un personnage différent se dénudant à chaque fois), ou encore la scène avec les lettres géantes (le "L" de capitalisme va en prendre pour son grade), ainsi qu’une utilisation des ambiances de couleur (rouge, bleu...) qui reste de bel effet. C’est maigre, mais cela permet au moins d’apprécier, faute de vrai point de vue politique, la plastique parfaite de son héros, et l’imagination mise dans les ébats de tout ce petit monde.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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