L'EMPIRE
Une guerre en l’humain, sans étoiles
Une jeune femme, Line, se fait bronzer dans les dunes. Sur le chemin du retour, elle croise Jony, et se voit soudain contrainte de s’agenouiller lorsqu’elle aperçoit son bébé blond dans les bras de sa grand mère, derrière la fenêtre. Avec une voix sombre, les mains devenues noires, celui-ci lui parle dans une langue inconnue. Peu de temps après, la mère de l’enfant, accompagnée de Rudy, jeune homme du coin, vient chercher celui-ci et l’emmène. Mais sa voiture fait une sortie de route dans les champs, et dans les tonneaux la mère est éjectée. Rudy sort alors un sabre laser et tranche la tête de celle-ci…
Ceux qui s’excitent depuis des semaines sur la bande annonce « What The Fuck » du nouveau Bruno Dumont ("L'humanité", "La vie de Jésus") risquent fortement d’être déçus par ce qui s’annonçait comme un Space opéra chez les Ch’tis. "L’Empire", concourant on ne sait trop pourquoi pour l’Ours d’or à la Berlinale, à en tous les cas le mérite d’intriguer pendant sa première heure, avant de tourner en apparence à vide, autour d’une lutte schématique entre le bien et le mal, les O et les 1, les religieux et les royalistes (référence à la forme des deux vaisseaux mères des ennemis), comme si le monde ne pouvait être que binaire vu par des forces extérieures. Car l’auteur nous emmène assez vite dans l’espace, alors que Jane, la boss de Rudy (tous deux des « 1 »), s’enfonce dans la mer pour franchir un portail menant dans l’espace et vers une sorte de vaisseau-église à l’échelle impressionnante, dans lequel un œil donne des ordres.
Avec ses chevaliers du conseil montés sur des chevaux de traits, ses improbables dirigeants (Camille Cottin et Fabrice Luchini, juste en roue libre), ses policiers pas doués et pour l’un désarticulé, l’univers du nord créé par Bruno Dumont s’enrichît un peu plus, après "P’tit Quinquin" et "Ma Loute", assumant le même décalage, sans en atteindre le niveau de drôlerie, mais avec des effets spéciaux en plus. La partie dédiée à la bataille dans l’espace, si elle n’est pas des plus compréhensibles, a le mérite d’effets visuels réussis et de s’éloigner d’une région bien terre à terre. Saluons tout de même le talent de Lyna Khoudri qui compose ici une bien belle cagole du Nord, et les quelques références qui s’écartent parfois de l’univers de "Star Wars" (« ils ont la force, on a la sagesse ») : « l’hiver arrive » lâché dans un dialogue quelconque ("Games of Thrones") et l’œil de Sauron ("Le Seigneur des Anneaux"). Au final, la critique de l’univers créé par George Lucas reste bien minime (opposition bien / mal, contraste discours conquérant et petits « Wahou(s) », décors s’éloignant peu de références terriennes...), et si elle s’avère certes surprenante un temps, l’effet se dissipe très vite.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur