Festival Que du feu 2024 encart

SICK OF MYSELF

Un film de Kristoffer Borgli

Individualisme forcené

Signe, serveuse, est en coupe avec Thomas, un artiste qui commence à avoir du succès. En manque d’attention, elle se fait passer à la fois pour une héroïne et pour une traumatisée suite à l’incursion d’une femme mordue par un chien ayant trouvé refuge dans le café où elle travaille. Puis lors d’un dîner, où elle se sent à l’écart, elle s’invente une allergie aux noix, histoire qu’on s’intéresse à elle et que quelqu’un lui adresse la parole. Mais l’engrenage du mensonge sera loin de s’arrêter là…

"Sick of Myself" est un film norvégien aussi passionnant sur le fond qu'amusant dans ses rebondissements. Passé par la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2022 (un choix tout à fait approprié), il se focalise sur Signe, jeune femme qui semble frustrée de n'être remarquée par personne et qui vit dans l'ombre de son petit ami, Thomas, artiste à succès, avec lequel elle tente quelque part de rivaliser. La scène d'ouverture, où elle sort fumer avant que ce dernier n'entreprenne une sorte de restau-basket en s'enfuyant avec une bouteille hors de prix, personne ne la reconnaissant ou lui demandant des comptes à l'extérieur, pause en soi de manière délicieuse la condition du personnage. On s'étonne alors moins par la suite, du petit jeu pervers dans lequel les deux vont s'engager, elle donnant dans la surenchère, lui restant impassible (et paraissant ainsi odieux) car loin d'être dupe.

Le décalage de comportement des deux personnages, comme l'incongruité et l'énormité des mensonges ou des choix de Signe, seront un vrai régal pour qui apprécie l'humour noir. Entre la tentation de forcer un chien à la mordre ou le contact improvisé avec son ancien dealer pour se procurer des médicaments russes qui déclenchent une maladie de peau, les conséquences de ses actes fournissent matière à une critique acerbe de la société d'aujourd'hui, son individualisme, la célébrité à tout prix, la modestie calculée, la « franchise » maquillée...

Les élans masochistes du personnage sont scrutés avec un cynisme redoutable, soulignant sa solitude grandissante et sa mythomanie, le metteur en scène allant jusqu'à représenter les fantasmes, rêves ou cauchemars de son anti-héroine. Soulignons au passage la performance de Kristine Kujath Thorp, découverte dans "NinjaBaby" l'an dernier, qui parvient à nous faire croire à toutes ses dérives et au sans-gêne qui en découle. Nul doute qu'on la reverra dans les mois à venir dans d’autres projets ambitieux. Quant à Kristoffer Borgli, il est depuis l'auteur de "Dream Scenario" avec Nicolas Cage, que l'on découvrira en toute fin d'année, et qui s'annonce toujours aussi surprenant et en prise avec le monde d'aujourd'hui.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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