SOUDAIN SEULS
Un drame intense, magnifiquement écrit et porté par ses deux interprètes
Ben et Laura font le tour du monde en bateau. Elle, est impatiente de faire escale en Amérique du Sud pour notamment soutenir son mémoire qu’elle doit remettre dans quelques jours. Mais elle a accepté la proposition de Ben de faire un détour pour visiter une île sauvage volcanique, à proximité des côtes antarctiques. Après avoir jeté l’ancre, ils prennent un canot à moteur pour accoster, découvrant les paysages désertiques de l’île, ainsi qu’une ancienne base baleinière, aujourd’hui en ruine. Mais alors qu’ils arpentes les collines alentour, une tempête pointe son nez à l’horizon et ils ne parviennent pas à rembarquer sur leur canot, avant que les vagues ne soient trop forte. Contraints de passer la nuit dans un des cabanons éventrés de la base baleinière, ils découvrent le lendemain matin que leur voilier a disparu. Soudain seuls, ils partent à sa recherche…
Il est rare qu’un film avec seulement deux personnages, soit aussi intense et dépaysant. Tourné en Islande (et non sur une île proche de l’Antarctique), "Soudain Seuls" nous plonge dans des paysages aussi envoûtants qu’isolés, confrontés à des changements soudains des éléments, que les interprètes et l’équipe réduite, ont dû eux-mêmes affronter. Rendant ainsi leur aventure encore plus viscérale et leur isolement plus palpable, le minimalisme des décors (une base baleinière reconstituée, qui a quelque chose de fascinant et lugubre à la fois), le dénuement des paysages, l’utilisation du format Scope, renforcent le caractère sauvage des lieux. Quant au récit, il permet par l’isolement d’affirmer à la fois la survie comme enjeu principal, tout en inscrivant celle du couple en filigrane.
Car pour Thomas Bidegain ("Les Cowboys"), cette aventure humaine est surtout une aventure intime, dans laquelle se révèlent certes les caractères profonds de chacun face à la difficulté, le scénario inversant progressivement les rôles, mais les difficultés mettent aussi à jour les dysfonctionnements d’un couple. En cela, "Soudain Seuls" dispose de (rares) dialogues d’une justesse confondante, offrant à deux interprètes en état de grâce, Gilles Lellouche et Mélanie Thierry, toute une palette d’émotions à jouer. Si le récit semble utiliser un parcours classique (panique, espoir, usure, épuisement, courage de la dernière chance…), c’est la mise à l’épreuve du couple qui secoue et finit par émouvoir. Entre reproches déguisés, entraide inégale, les interrogations de chacun sur l’implication et la confiance de l’autre finissent par ressortir et devenir de véritables pièges.
Le film se révèle ainsi peu à peu comme un rude parcours pour deux êtres aux différences flagrantes, confrontés autant à leur propre instinct de survie qu’à la nécessité de s’épauler, dans un contexte qui recèle de nombreux rebondissements. Totalement embarqué avec eux, le spectateur souffre, au fil des espoirs retrouvés ou déçus, s’interrogeant sur ce que pourrait être sa propre attitude dans pareille situation. Gilles Lellouche confirme dans le rôle de Ben, qu’il est l’un des acteurs français les plus imposants et polyvalents du cinéma français. Quant à Mélanie Thierry, en permanence sur le fil entre explosion et implosion, elle trouve ici l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Grâce à eux le spectateur aura fait un incroyable voyage dans l’intimité d’un couple en péril, et ressortira de la séance épuisé et surpris par une fin à la tonalité inattendue. Précipitez-vous voir ce film !
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur