LE MONDE D'APRÈS 3
Un recueil inégal, d’où ressortent deux segments
Deux jeunes faisant la promotion de l’« heure de la terre », où chacun doit éteindre ses lumières pendant une heure, se plaignent d’un coq dont le chant gâche leur vidéo promo. Un jeune homme faisant du covoiturage tombe sur l’un des médecins qui donnait des consignes à la télévision pendant la crise du Covid et critique sa qualité d’ « expert ». Une actrice « oubliée » se cherche une cause à défendre. Une femme déprimée par le changement climatique est manipulée par sa psy qui lui propose une action d’éclat. Une journaliste enceinte s’infiltre dans le milieu des néo-nazis survivalistes. Une vieille dame reçoit un plombier et lui explique que son métier est de réécrire les livres, pour ne heurter personne…
On avait été plutôt séduit par l’ironie et la caractère irrévérencieux du film "Le Monde d'après", combinaison de diverses petites histoires satiriques, moquant gentiment les excès bien pensants de l’époque, autour de personnages impactés par la crise du Covid. Un an à passé, et le film à eu droit à une suite au printemps, ainsi qu’une seconde aujourd’hui. Ce troisième recueil, qui s’amuse à relier de manière plus évidente les histoires entre elles, notamment par « médias interposés » (flash info, tablette, scénario imprimé…), fait le choix de flirter avec le thriller et de tenter (pas toujours avec réussite) de faire peur, en insérant aussi une pointe de fantastique. Cela donne un ensemble assez inégal, dont ressortent quand même quelques segments, alors que d’autres auraient sans doute mérité des scénarios plus travaillés afin d’être moins caricaturaux. Un film qui vise juste par moments, autant qu’il n’évite pas de flirter avec le complotisme facile à d’autres.
Si l’on peut saluer la liberté de production et de ton, toujours présente, on regrettera que le premier segment, en forme de film d’horreur, vise une nouvelle fois les végans, opposant de manière stérile celles-ci à des agriculteurs éleveurs de poules ou adepte de la fête du cochon, dans un scénario qui apparaît vite comme bâclé. Ceci d’autant que le sujet de l’utilité d’une action collective de simple non consommation d’électricité pendant une heure chaque année, sujet central du début, aurait en effet mérité d’être creusé. La question de la démultiplication à l’infinie des causes (journée de…, semaine de…, année de…, etc.) trouve finalement un bien meilleur écho dans le segment avec l’actrice dont l’agent veut l’obliger à se couper une mèche de cheveux en solidarité avec une femme iranienne emprisonnée. Il y a là une vraie idée dans le twitst, qui convoque légitimement le fantastique, sur fond de cynisme vis-à-vis de l’intérêt des uns ou des autres à soutenir une cause.
L’histoire concernant la journaliste infiltrée, tournant à la critique facile de médias qui scénarisent même leurs documentaires, tout comme celle de l’auto-stoppeur non vacciné et de l’extrémisme du portage de masque FFP2, résonne vite comme un règlement de compte. Même si les deux « concepts » peuvent paraître efficaces, il aurait sans doute fallu nuancer chacun des personnages, afin de ne pas tomber dans la caricature facile et le discours sous-jacent potentiellement généralisateur. L’incapacité de supposés « experts » à admettre qu’ils ne savent pas, ou la surprotection infantilisante aurait mérité sans doute un autre traitement. Les liens avec la crise sanitaire étaient bien plus fins dans le premier film, et on en retrouve quelques relents mieux exploités dans le dernier segment, avec notamment les applaudissements obligés au balcon, surveillés par drones. Des 6 histoires proposées ici, c’est sans doute celle-ci qui fait d’ailleurs le plus mouches, partant du métier de « sensitive reader », exagéré dans l’exemple donné de réécriture absurde d’un passage de livre, pour en venir vers une dystopie plutôt bien ficelée d’un monde dicté par le politiquement correct.
Quant à la troisième histoire, impliquant une femme déprimée par l’avenir catastrophique du monde, manipulée par sa psy pour réaliser une action écolo d’éclat, elle s’avère aussi plutôt convaincante, jusque dans sa terrible conclusion. L’ensemble n’en reste pas moins très inégal, que ce soit en termes de mise en scène (la première histoire semble particulièrement brouillonne, en termes de scénario comme de montage) ou de jeux des interprètes (les deux adeptes de l’heure de la terre, et la femme déprimée sont loin de convaincre…). Si le réalisateur n’évite déjà pas quelques redites, il semble ne pas avoir fait, en trois longs métrages, le tour des sujets polémiques de l’époque. Mais on se dit que "Le Monde d'après 3", visible pour l’instant seulement à l’Espace Saint Michel à Paris, est une honnête conclusion d’une trilogie qui n’appelle pas forcément d’épisode supplémentaire. Ceci à moins de prendre un peu plus de temps pour peaufiner le scénario, le casting et la visée de l’ironie ambiante.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur