ET LA FÊTE CONTINUE
Le trop plein de sujets
Rosa est infirmière à l’hôpital de La Timone à Marseille et potentielle candidate à la mairie. Dans quelques semaines, elle sera à la retraite. Lors du déjeuner dominical, en présence de son frère, la colocataire de celui-ci, et son autre fils, son fils Sarkis lui présente Alice, qu’il pense être la femme de sa vie. Peu après, elle fait accidentellement connaissance du père de cette dernière, Henri, avec laquelle se noue très vite une certaine complicité…
On a toujours plaisir à retrouver la famille de cinéma de Robert Guediguian ("Marius et Jeannette", "Marie-Jo et ses deux amours"), avec en tête son trio d’interprètes fétiche, composé d'Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean Pierre Darroussin. Ceci d’autant plus qu’à chaque long métrage la configuration change, afin d’aborder, en plus du militantisme, un sujet nouveau. Mais le problème du film vient cette fois justement d’un trop plein de sujets à aborder, diluant finalement l’attention que l’on peut porter à chaque personnage, et surtout ici à cette mère qui, à l’aube de sa retraite, se pose la question de se retirer de tout. Pauvreté, dissensions politiques, militantisme, problèmes de communication familiale, épuisement du personnel hospitalier, incapacité à avoir des enfants, survie du peuple arménien, effondrements d’immeubles en centre ville, tout y passe, dans un scénario fourre tout, plombant le caractère lumineux des personnages.
Ariane Ascaride interprète cette fois là mère, ciment de la famille, toujours en mouvement. Ayant « rempli sa vie jusqu’à raz bord », se pose la question pour elle de sa fin d’activités. Gérard Meylan joue son frère, poète sur les bords. En colocation avec une jeune collègue infirmière, il apparaît comme décalé en ce monde (c’est peut être « le dernier communiste), avec son chapeau vissé sur le crâne... même au lit. Jean Pierre Darroussin joue le père de la future belle fille, libraire déjà à la retraite et disposant maintenant de temps pour les autres, il est à la fois attentif et attentionné. Robinson Stevenin incarne le premier fils, irradiant d’amour pour l’artiste engagée Alice (Lola Naymark). Quant à Grégoire Leprince-Ringuet il donne corps à Minas, le second fils, ayant une relation plus distendue avec ses origines.
Ensemble, ils forment une famille élargie crédible et plutôt attachante, dont les complicités et heurts parviennent ponctuellement à toucher. Les familiers de Guédiguian auront même plaisir à retrouver certains décors ("La Villa"), ainsi que son penchant pour des citations littéraires « qui aident à vivre », servant d’éléments de réflexion pour certains personnages (celui de Rosa, mais aussi celui d’Henri...). Alourdies cette fois par des choix de mise en scène trop abstraits (la figure récurrent du buste d’Homère, la nage solitaire dans la piscine, la scène du théâtre extérieur...), elles soulignent cependant la richesse intérieure des personnages, dont la philosophie de vie se transmet malgré tout. Si « rien n’est jamais fini », et si Guédiguian semble tourner un peu en rond, on ne saurait lui retirer sa réelle tendresse pour des personnages tournés vers la vie et vers l’action.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur