Festival Que du feu 2024 encart

THE KILLER

Un film de David Fincher

Professionnel jusqu’au bout de ongles

Alors qu’il planque depuis un moment en face d’un hôtel, un tueur tente de mettre à bien tous les principes qui font de lui un pro. Mais lorsqu’arrive enfin sa cible, il la rate, touchant à la hanche la femme qui était avec elle. Il s’enfuit alors en scooter, se débarrasse de son matériel, et rejoint l’aéroport. Sur le qui-vive, il va devoir passer la nuit dans un hôtel, avant de prendre un autre vol le lendemain pour Santo Domingo, là où il a son « refuge » et sa compagne…

The Killer (David Fincher) film movie

Sortie le 10 novembre 2023 sur Netflix

C’était l’un des auteurs américains les plus attendus de la 80e Mostra du cinéma de Venise, car il faut bien avouer qu’il se fait rare dans les festivals depuis pas mal d’années. Hormis son passage à Cannes, en compétition, pour "Zodiac" en 2007, la plupart de ses films ont en effet été réservés pour des sorties visant les Oscars ("Gone Girl", "L’Étrange histoire de Benjamin Button", "The Social Network", et même la production Netflix "Mank"), ne montrant le bout de leur nez, pour certains, qu’outre Atlantique. Pour "The Killer", son adaptation des romans graphiques d'Alexis "Matz" Nolent (illustrés par Luc Jacamon), il a donc assuré la promotion sans son acteur principal, Michael Fassbender, en tueur tactique et insensible, croisant les trajets de personnes dont il modifie implacablement le supposé destin.

Redoutablement efficace, ce portrait d’un tueur ratant sa cible et qui se retrouve lui-même objet d’un contrat, afin d’éliminer toute trace de la transaction, est chapitré par lieux et personnages (Paris / La Cible – Santo Domingo / Le Refuge – Nouvelle Orléans / L’avocat...). C’est d’ailleurs sa compagne, présente dans son « refuge » de Saint-Domingue, qui sera la première victime, lui donnant le temps de réagir en tentant de remonter la chaîne de responsabilité de cet acte. Un principe certes pas nouveau, exploité jusqu’à l’os récemment avec la saga décomplexée "John Wick", qui vient ici déstabiliser la technique très réfléchie et détaillée de cet homme en apparence impassible et dénué de toute empathie.

Avec le choix de l’utilisation de la voix-off, pour présenter à la fois les règles de conduite du tueur mais aussi ses pensées durant l’action, Fincher parvient à construire un film à la tension permanente. Il parvient ainsi également à distancier l’action, qui se condense comme dans des brèches de ce film flegmatique, et qui devient alors la résultante d’une série de variables et de réactions. L’ensemble résonne alors moins comme un étrange journal intime, que comme un manuel dans lequel un individu aurait annoté les pages, en fonction des événements et de la nécessaire réponse à ceux-ci. Le tout n’est ainsi pas dénué d’humour et on apprend que pour passer inaperçu, il faut être « non mémorable », tel un touriste allemand, que tout le monde évite naturellement ! Mais c’est la minutie du personnage qui frappe, son sens du détail, que Fincher explore à merveille, comme certains lieux anxiogènes qui font l’ambiance crépusculaire du film.

Si la question des rouages du système, comme celles des failles des professionnels, est au centre de l’intrigue, le séquencement, qui donne à chaque fois lieu à un plan particulier et à une scène d’action mémorable, parvient à tenir parfaitement le spectateur en haleine. D’autant que les règles implacables (« coller au plan », « ne pas improviser », « ne faire confiance à personne », « ne pas avoir d’empathie ») sont naturellement faite pour être bousculées par les personnages rencontrés. Entre la détresse de victimes collatérales (le plan sur les mains de la secrétaire de l’avocat, ligotée, est particulièrement marquant..) et les dessous du métier d’un homme qui ne doit rien laisser au hasard, David Fincher semble jouer à varier le rythme, afin de mieux secouer le spectateur. Il fait ainsi de "The Killer", un thriller aussi glaçant que passionnant, ironisant en conclusion sur la notion de possible destin, finalement toujours « contrariable ».

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire