DÉMÉNAGEMENT
Réagir plutôt que subir
Renko, 11 ans, dîne en famille. Tout semble normal, pourtant la jeune fille s’inquiète que son père n’ait pas fini ses cartons pour déménager dans son nouvel appartement le lendemain. Ses parents ne s’aiment plus et le couple se sépare. À l’exception d’un ou deux regards gênés entre le père et la mère, seul l’empressement de la jeune fille à bien faire les choses révèle l’importance du moment dans leurs vies…
Je vais vous faire une confidence, j’aime découvrir les films en ne sachant rien d’eux. Avant une séance, je ne lis aucune critique et tente au mieux de ne pas voir la bande-annonce. C’est donc avec surprise, que je découvre au début de "Déménagement" cette mention : « Sélection Un Certain Regard 1993 ». J’ai cru un instant m’être trompée de salle, mais l’énoncé du titre me confirme que ce film japonais sort (enfin) en France, 30 ans après sa présentation à Cannes.
Au fil des scènes, je réalise que si je n’avais pas lu cette mention au générique du film, il m’aurait été difficile de deviner son âge. La qualité de l’image a juste un très léger grain, mais esthétiquement cela donne un bel aspect velouté aux couleurs. Seule l’absence de smartphone aurait pu me mettre la puce à l’oreille tant les personnages et l’histoire sont contemporains, voire intemporels.
Courant de lieu en lieu, portée par de méticuleux plans séquence, Renko tente comme elle peut de garder le lien entre ses parents. Victime collatérale d’une rupture, elle ne baisse pas les bras et entend bien faire entendre ses droits en tant qu’enfant. Elle déchire la longue liste d’obligations de colocation que veut lui imposer sa mère, colle son père pour ne pas qu’il l’oublie et oblige ses parents à dîner régulièrement en famille.
À l’affût, la caméra de Shinji Sōmai capte toutes les émotions de la jeune fille qui oscille entre vitalité débordante et désespoir. Elle l’accompagne dans sa quête minutieuse pour recouvrer ses petits bonheurs perdus jusqu’au moment où arrive la date du Biwako Dai Hanabi Taikai, un prestigieux festival de feux d’artifice sur le lac Biwa auquel Renko et ses parents assistent chaque année.
Le film se mue alors en un magnifique moment de grâce où l’enfant arrive à retrouver une certaine sérénité au bord de l’eau. Des étoiles plein les yeux, elle observe émue cette barque scintillante qui s’approche à travers la brume. Un moment suspendu, qui comme la très belle scène de fête de "Shara", vous hypnotise et vous transporte. Il aura fallu 30 ans pour découvrir en salle ce petit joyau de Shinji Sōmai, réalisateur vénéré par Kore-eda et mort prématurément en 2001. Heureusement quelques distributeurs (ici Survivance) veillent pour que de petits miracles comme celui-ci se produisent et nous les en remerciions.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur