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Festival Lumière 2023 : retour sur la Masterclass de Marisa Paredes
Précédemment venue lors de la 8ème édition du Festival Lumière (2016) pour présenter "Lettre d’une inconnue", Marisa Paredes revient pour un hommage particulier lors de cette 15ème édition. Elle y présente notamment "Prison de cristal", "Talons aiguilles", et "L’échine du diable"… Ce retour éblouissant sur la carrière de « la chica de la plaza Santa Ana » s’est couronné par une masterclass le 19 octobre 2023 au Pathé Bellecour. Interrogée par le journaliste Carlos Gomez, elle s’est livrée avec authenticité et pudeur sur sa jeunesse, sa famille, ses convictions cinématographiques et personnelles.
« Le théâtre, c’est la liberté même en dictature. »
Née en 1946 en Espagne, Marisa Paredes décrit son enfance comme un « mauvais rêve ». À cause des régimes restrictifs de la dictature franquiste, elle a dû arrêter l’école à 11 ans, car ses parents ne pouvaient plus la lui payer. Elle s’est très vite orientée vers le théâtre et dès 16 ans a fait sa première tournée, malgré les réticences de son père. La place prépondérante de sa mère et son soutien sans faille lui permettront de vivre pleinement son rêve. Très tôt, elle dit avoir été fascinée par les comédiens et ces lieux (les théâtres) où, une fois la porte fermée, on découvre un autre monde. Pour elle, théâtre est synonyme de « liberté et de magie ».
En 1961 en Espagne, puis en 1968 à Paris, Marisa Paredes se range dans les rangs des grévistes et des révoltés pour défendre cette liberté de création et de vie : « Sans utopie, on ne peut pas vivre ». Son chemin vers le cinéma ne semble alors pas étonnant puisque quoi de plus utopique que faire un monde entier à travers un faisceau de lumière ?
La muse de Pedro Almodóvar
Si elle commence à tourner dès les années 60, sa notoriété sur grand écran viendra grâce à son travail avec Pedro Almodóvar. Elle déclare même : « Almodóvar m’a ouvert toutes les portes (notamment celles de l’international) ». Pour elle, c’était un réalisateur particulier, car il se rendait au théâtre pour observer et « prendre ce qui lui plaisait » dans les atmosphères, les jeux ou même parfois les actrices sur scène (le casting de "Dans les ténèbres" est celui d’une pièce qu’il a vue).
Il est aussi très attentionné et cherche toujours à mettre en confiance ses comédiens. Elle raconte que dans "Talons aiguilles" il a choisi spécialement un théâtre où elle avait déjà joué pour la sécuriser dans la scène où elle doit chanter en playback. Elle explique que cette attention portée à l’environnement, l’a fortement rassurée et lui a donné la force nécessaire pour le faire.
« Tout s’apprend, mais l’art se porte à l’intérieur »
Faisant suite à un compliment de Carlos Gomez à l’égard de l’infinie grâce de Marisa Paredes, cette citation exprime sa nécessité de créer, d’être dans l’art. Comme l’a aussi déclaré Karin Viard lors de sa masterclass, elle fait du théâtre ou du cinéma avant tout pour elle et n’essaye pas d’être une autre face à son désir de jouer. La notoriété est secondaire face à l’amour du jeu, car, comme elle l’explique pour répondre à la proposition de devenir réalisatrice, elle « préfère être dedans », au plus près des personnages et de leur complexité : « je crois que le travail sert toujours… Pas seulement pour l’écho qu’il fait aux gens, mais pour notre propre âme. »
« Les films, il faut les voir dans les salles de cinéma, à la télé c’est trop petit. »
Si elle concède que la télévision peut permettre de découvrir certains films, elle réaffirme la nécessité de voir le cinéma au cinéma. Pour elle, le grand écran révèle un tout autre rapport au film et le réinvente : « Il faut revoir les films que l’on a déjà vus à la télé, au cinéma ». Face à l’annonce de l’arrivée d’une maison de production Netflix à Madrid, elle s’est exclamée « c’est horrible, non ? ». Même si ces nouvelles façons de produire des fictions cinématographiques offrent d’autres possibilités de rôles ou de temporalités, Marisa Paredes reste une éternelle amoureuse du cinéma.