PARADISE IS BURNING
Une sororité prise en étau
Laura, 16 ans, vit avec ses deux sœurs, Mira, 12 ans, aux portes de l’adolescente, et Steffi, 7 ans, la plus petite. Leur mère est à nouveau absente, elles n’ont aucune nouvelle et doivent s’adapter. Alertés par son école de son absence, les services sociaux essayent de joindre leur mère et indiquent qu’ils passeront la voir le lundi suivant…
Le sujet que traite le film suédois "Paradise is burning" n’est pas vraiment nouveau. Kore-Eda, Ken Loach et d’autres ont en effet déjà décrit, de manière très forte en termes d’émotions, des adolescents et enfants délaissés par des parents irresponsables ou absents, et devant prendre en charge eux-mêmes le fonctionnement du foyer. Alors quoi de nouveau dans la manière qu’a Mika Gustafson de traiter le sujet, si ce n’est peut être une manière d’envisager l’urgence, avec une caméra aussi nerveuse que l’héroïne elle-même, Laura. Devant gérer sa petite sœur Steffi et défendre son autre sœur Mira, elle doit aussi faire face à son propre éveil des sens, alors qu’une première adulte, Hannah, chez laquelle elle se réfugie après un squat dans une maison, semble pour une fois ne pas juger ses agissements.
Un sentiment de rapidité domine ainsi le début du film, alors que Laura doit gérer le quotidien, sortant les poubelles, s’agaçant de se retrouver enfermée dehors, criant après une voisine énervée par le bruit, fuyant un homme dont elle tentait de voler la lessive à la laverie... Ceci avant que des faits plus graves ne soient traités dans le même rythme, celui d'une sorte de compte à rebours inévitable, mais avec une légèreté affichée, marquant l’union de la sororité (la scène du vol au supermarché, la petite faisant diversions, ...) et d'un groupe de filles (le squat d’une piscine privée, les différentes initiations...). Les moments d’accalmie ne viendront que dans le bar ou elles se réunissent parfois et où Mira soutient un vieil adepte du karaoké, et au contact d’une adulte blonde, à l’attitude ambiguë, Hannah, comme si celle-ci s’offrait elle-même une parenthèse de jeunesse sauvage, qu'elle n'aurait jamais connue. Ces changements de rythme, adaptés au ressenti du personnage de Laura, montrant le vertige des sentiments qui la gagne (voir l’unique très beau plan dans laquelle on voit Laura et Hannah successivement à table, dansant, et fumant sur un canapé) aura sans doute valu a Mika Gustafson de recevoir le prix de la meilleure réalisatrice dans la section Orizzonti du Festival de Venise 2023. Un film qui marque en tout cas l’union d’une sonorité prise en étau, mais unie envers et contre tous.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur