VAMPIRE HUMANISTE CHERCHE SUICIDAIRE CONSENTANT
Une comédie adolescente qui détourne joliment les codes
Sasha est une adolescente, née dans une famille de vampires. Ses parents se désolent de ne toujours pas voir ses dents sorties, et elle se nourrit donc des poches de sangs qui sont stockées dans le frigo. Paul, lui, est un garçon triste, harcelé par son collègue au bowling où il travaille. Tous deux vont se croiser dans un groupe de soutien, échangeant des regards compréhensifs…
Récompensé du prix du jury (composé de 27 jeunes gens venus des 27 pays européens) du meilleur film aux Giornate Degli Autori du Festival de Venise 2023, ce petit film québécois, au titre improbable mais fortement intrigant, navigue entre film d’horreur, comédie romantique et film de passage à l’âge adulte. Car quoi de mieux lorsqu’on est adolescent que de trouver une connexion avec quelqu’un d’autre, la complicité se transformant éventuellement en un lien plus profond. Mais cela devient forcément un problème lorsque le projet initial est pour l’un de se suicider et pour l’autre, de donner du sens à ses pulsions sanguines.
Ariane Louis-Seize traite ainsi de problématiques universelles telles que la dépression, le suicide, le harcèlement, la gestion de ses pulsions, mais aussi l’acceptation de sa propre différence. Pour poser le caractère « humain » de sa protagoniste, elle ouvre le film sur une scène d’anniversaire liée à l'enfance de son personnage, lors de laquelle celle-ci reçoit comme cadeau un synthétiseur, qu’étrangement elle touche comme si elle s’y connaissant déjà. Ceci avant que ses parents ne dévorent le clown venu faire le spectacle ! Le contraste est fort, l’humour un peu noir mais réjouissant, à l’image de la scène qui suit, chez le dentiste, la famille s’interrogeant sur l’éventuel problème psychologique de leur fille, dont les dents ne veulent pas sortir. Comme un parallèle au sexe, où l’on attend d’avoir des sentiments pour le faire, il faudra attendre la première fois pour que les dents ne pointent leurs nez.
En inversant joyeusement les codes sur le dépucelage, en faisant des dernières volontés quelque chose de vivant et salvateur, en reconnectant le garçon aux siens, en détournant les interrogations des beaux parents sur l’accueil d’un nouveau membre dans la famille, l'auteure signe une comédie adolescente intelligente, teintée d’accents rétro (on pense souvent aux années 60, avec le bowling comme avec le 33 Tours qu’ils écoutent ensemble...). Mélange de codes du film d’horreur (la scène de rencontre au milieu des containers, la force décuplée lors d’une agression, la chanson de fin « Soy un Dracula yeh yeh »…), "Vampire Humaniste recherche suicidaire" dispose de plus de deux jeunes interprètes touchants et justes, Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard. De quoi présager d’un beau succès en salles.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur