LE CIEL ROUGE
Jeunesse plus ou moins en liberté
Après s’être un peu égarés, sur un supposé raccourci, deux amis, Leon, écrivain, et Felix, photographe, arrivent dans la maison de la mère du second, au bord de la mer Baltique. Mais celle-ci est déjà occupée par une jeune femme, Nadja, dont ils n’entendent d’abord que les ébats la nuit. Même si ce sont les vacances, Leon, espère pouvoir ici travailler au calme…
Les films de Christian Petzold, réalisateur allemand, sont souvent des surprises en eux-mêmes. L’auteur est en effet capable de composer des portraits de personnages forts, que ce soit sur fond historique, comme sous l'occupation dans "Transit", dans l'après guerre pour "Phoenix", ou durant la Guerre Froide pour "Barbara", ou en inscrivant ceux-ci dans une contemporanéité affirmée, comme pour "Jerichow", le magnifique "Ondine", ou encore le troublant "Yella". Grand prix fort mérité au dernier Festival de Berlin, son nouveau long métrage, "Le Ciel Rouge" est une comédie de mœurs qui s'inscrit plutôt dans la seconde veine, et qui affirme, comme dans nombre de ses films, l’indépendance d’un personnage féminin.
Après Nina Hoss, qui tenait le premier rôle d’au moins 5 de ses films, c’est Paula Beer, qu’il avait déjà fait tourner dans "Ondine", qui semble être devenue sa nouvelle actrice fétiche. Celle-ci est ici au centre d’un triangle amoureux, où la liberté d’action se confronte aux désirs plus ou moins affichés des uns et des autres. l’épanouissement du personnage féminin étant d’ailleurs pleinement suggéré dès les premiers moments dans la maison, l’écho de ses ébats avec son amant secouriste, parvenant jusqu’aux deux garçons, contraints de partager la même chambre. Dans un contexte de villégiature estivale, où les corps se font apparents, les contraintes de travail (Leon a le blocage de l’écrivain, Felix cherche l’inspiration pour un portfolio) et les frustrations viendront enflammer les esprits.
Utilisant comme parabole, les incendies de forêts qui semblent peu à peu se rapprocher, Christian Petzold réussit avec brio à décrire les maladresses de l’approche amoureuse, dirigeant ses personnages vers une situation de blocage. Grâce à son petit groupe de personnages disparates, c’est la liberté d’une jeunesse qui s’exprime, avec comme contre point l’attitude réservée et maladroite de Leon, interprété avec justesse par Thomas Schubert, vu dans "The Dark Valley" et "Axiom") et les hésitations de Felix (Langston Uibel). Affichant un ton résolument léger (voir notamment le passage sur le « spray gay »), son formidable scénario parvient à émouvoir autant qu’à faire vibrer les cœurs.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur