DOGMAN
Un interprète impressionnant pour le retour d’un Luc Besson inspiré
Douglas est arrêté par la police à un barrage, sous une pluie battante. En sang, habillé en femme, il conduit une fourgonnette dans laquelle les forces de l’ordre découvrent des dizaines de chiens. Une psychiatre est alors appelée pour l’évaluer. Alors que l’interrogatoire commence, elle découvre son contexte familial, imprégné de violence…
Avec le portrait d’un marginal n’ayant trouvé l’affectation dont il avait besoin, qu’auprès des chiens avec lesquels son père l’avait enfermé enfant, Luc Besson marque un retour attendu, la présentation du film au marché européen de Berlin en février dernier ayant alors lancé une rumeur flatteuse. Il offre de plus au passage un nouveau grand rôle à Caleb Landry Jones (déjà prix d’interprétation à Cannes dans "Nitram"), en accusé livrant peu à peu des bribes de son histoire, toute singulière. La bonne idée du film est de faire d’emblée du personnage, à la fois un martyr, souffre douleur d’un père colérique et d’un frère aussi sadique que débile, tout en posant son action d’adulte comme celle d’une sorte de mafieux aux intentions finalement honorables.
Car derrière cet homme qui aime se maquiller, pour « changer » cette image qui ne lui plaît guère dans le miroir, c’est en fait une sorte de figure de justicier, aux handicaps marqués (il se déplace en fauteuil roulant et ses jambes sont équipés d’éléments métalliques imposants) que donne à percevoir le scénario. Le montage alternant les scènes d’entretien avec la psy, et deux temporalités différentes de flash-back, le métrage gagne en intensité au fil du développement et de l’attachement que peut développer le spectateur envers son personnage principal. Détournant autant la figure du psychopathe que celle du super-héros solitaire, pour en faire un monstre incompris, Luc Besson aligne aussi quelques moments de mise en scène percutants dont il a le secret, qu’il s’agisse d’une glaçante altercation à table ou d’un assaut en règle du repaire du héros.
Bien sûr les influences de "Nikita" comme de "Léon" transparaissent ici, n’apportant finalement de réelle nouveauté que dans les scènes mobilisant les chiens et leur supposé lien avec le héros. Leurs positions ou leur gestuelle calculées en font des contributeurs évidents à la tension grandissante (pattes croisées tel le gardien d’une antre, gueule qui se tourne sur le côté comme pour demander l’autorisation au boss, attitude figée menaçante...) du métrage. La mise en scène de Besson ne parvient qu’en partie à en faire de vrais personnages, mais utilise à merveille décors lugubres comme perspectives inquiétantes. Quant à l’humour, il est loin d’être absent, passant plus cette fois par l’action que des tentatives de vains dialogues, tandis que le parallèle tissé entre les souffrances du prisonnier et de sa psy apporte juste ce qu’il faut d’émotion. On est en tous cas heureux de voir ce grand réalisateur français capable de mêler drame et action avec un certain équilibre.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur