Festival Que du feu 2024 encart

AUGURE

Un film de Baloji Tshiani

Une œuvre coup de poing

Installé en France, Koffi décide de rendre visite à sa famille en République démocratique du Congo, afin de leur présenter sa femme, Alice, enceinte de jumeaux. Il doit aussi s’acquitter auprès d’eux de la dote pour les enfants. Mais l’accueil de sa mère s’avère glacial, et son père, parti à la mine de charbon proche du village, reste invisible…

Augure film movie

Passé par Un certain regard à Cannes, d’où il est reparti avec le prix de la « nouvelle voix », "Augure" est un film profondément marquant, qui agit par attraction répulsion sur la perception d’une culture et d’une société congolaise, aussi dangereuse pour ceux qui s’inscrivent à la marge ou s’en sont éloignés, que fascinante dans sa capacité à infuser au travers des générations. Car en s’intéressant à plusieurs personnages qui se sont ou vont s’éloigner du modèle dominant (ils donnent leurs prénoms à quatre des chapitres du film), le film s’avère imprégné par les superstitions, les rites tribaux, les questions d’honneur de la famille, les rivalités de clans, donnant à ceux-ci une incroyable puissance graphique.

Dans le village minier, les vues au bout des rues viennent butter sur un immense crassier, brisant toute perspective, écrasant la faible hauteur des habitations. Ces plans répétés semblent venir marquer l’absence de futur de ceux qui travaillent ici. Ici les black-out sont récurrents, mais ponctuellement tout le monde peut venir se brancher à un arbre coloré de mille lumières, pour se reconnecter, via son téléphone, au monde (une magique vision nocturne). Ici la religion officielle semble imprégner l’existence (on prénomme même son bébé Jean Paul 2...), mais les présages donnent lieu à des tribunaux populaires où sont invoqués les esprits, quand ils ne hantent pas les rêves (la vision de la sorcière sans visage et aux yeux lumineux est particulièrement frappante…) ou ne servent pas à guérir les MST...

Mais au travers de ces portraits entremêlés, dans un montage complexe qui intrigue plus qu’il ne déroute (on a droit à un double chapitrage, avec également les jours autour de Pâques…), Baloji parvient à aborder la place des femmes, la sexualité en dehors du mariage, le viol, le poids implacable du patriarcat, et la transmission. Ses personnages sont forts, marquants, indépendants malgré tout. Ils font le dynamisme de ce film à part, d’une beauté pénétrante, entre scènes glaçantes par l’inquiétude qu’elles génèrent ou par la violence qu’elles montrent, et récits plus intimes qui viennent enrichir les perspectives sur les choix de chacun et leurs apparentes contradictions.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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