Festival Que du feu 2024 encart

DIRTY DIFFICULT DANGEROUS

Un film de Wissam Charaf

Deux films en un

Ahmed est amoureux de Mehdia. Leur romance à Beyrouth est hélas semée d’embûches : lui est un réfugié syrien qui a survécu à la guerre, elle est une femme de ménage éthiopienne. De plus, Ahmed est rongé par un mal mystérieux qui transforme son corps peu à peu en métal…

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Au vu d’un pitch pareil, le doute était permis : allait-on assister au cross-over inédit du pamphlet sociopolitique et du body-horror à la sauce "Tetsuo" ? On visait sans doute un peu trop large. Les ingrédients d’un tel mélange des genres ont beau répondre tous à l’appel et faire écho à bon nombre de thèmes contemporains, l’enthousiasme n’est pas de rigueur pour ce qui est de leur raison d’être au sein de l’articulation narrative. Par le biais de ce corps de réfugié soumis à une mutation métallique de son enveloppe corporelle, on sent bien le désir de Wissam Charaf ("Tombé du ciel") de symboliser les conséquences de la guerre (une blessure qui se voit de l’extérieur) et de la xénophobie (une maladie qui ronge de l’intérieur) sur le corps de l’individu social. Le souci, c’est que paralléliser cette audace forte avec une peinture de la banalisation de l’esclavage domestique nous donne la sensation d’assister à deux films – l’un fantastique, l’autre réaliste – qui ont du mal à s’harmoniser ensemble, un peu à l’image de cette romance inhabituelle qui se retrouve constamment écrasée par la pression sociale.

Le paradoxe est entier : le scénario expose tant d’arguments – jusqu’au choix du format de l’image – pour dessiner un environnement sociétal capable d’acculer ses protagonistes, mais les deux strates de la narration ne vont pas dans la même direction. Plus précisément, Charaf ne prend pas de gants pour décrire les maux modernes (guerre, exploitation, trafic d’organes, presse sensationnaliste…) mais le contrepoint fantastique qui devrait moderniser son point de vue reste trop terre-à-terre pour étonner. Il faut pour le coup attendre le dernier tiers du récit pour que le film trouve enfin l’échappatoire qui permet de rééquilibrer la balance, une fois les deux exilés lancés sur la route de ce mode de vie qu’ils idéalisent, loin du cadre urbain, loin du mépris social, loin des normes bourgeoises et conformistes. La nature du film se révèle enfin, à cheval entre le conte fantastique et le surnaturel onirique, et surtout jamais dénué de cette sensualité qui ne surgissait avant que par bribes. Si l’on pourra à juste titre questionner la pertinence de son titre (« difficult » et « dangerous », d’accord, mais qu’est-ce que cette romance a de « dirty » ?), le résultat ne remet jamais en question son statut de curiosité : inégale, instable mais singulière en l’état. C’est assez pour convaincre autrui d’y jeter un coup d’œil.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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