VINCENT DOIT MOURIR
Tués au premier regard
En pleine séance de travail, Vincent est agressé par le stagiaire de son agence de pub à coup d’ordinateur portable. Le lendemain, c’est un autre collègue qui s’en prend violemment à lui. Au commissariat de police, l’agresseur n’arrive pas à expliquer son geste… Vincent ne le sait pas encore mais son cauchemar ne fait que commencer…
"Vincent doit mourir", voilà un titre bien optimiste pour son héros ! Vincent, c’est un monsieur tout-le-monde. Un gars comme les autres. Un « nobody » qui a une vie des plus normales à Lyon. Un jour, son quotidien bascule dans la violence et la terreur sans qu’il en comprenne les raisons. Il devient aux yeux de tous la cible à exterminer ! Stéphan Castang, le réalisateur, et Mathieu Naert, le scénariste, nous plongent alors dans un monde pré-apocalyptique qui va annoncer le chaos le plus total ! Pour son premier long-métrage, Stéphan Castang frappe les esprits. Depuis combien de temps, n’avait-on pas ressenti dans un film français cette souffrance à l’écran ? Certainement depuis "Bernie" de Dupontel avec ses coups de pelle ! D’autant qu’à l’image de ce premier long du réalisateur de "Adieu les cons" et "Enfermés dehors", le film réserve lui aussi autant de brutalité que de comédie !
Mais "Vincent doit mourir" parle avant tout de notre société et de notre rapport à la violence, avec une grande intelligence. On peut affirmer qu’elle est partout : au coin de la rue, dans un quartier voisin ou dans un pays proche… Elle est aussi mondiale et à la portée de tous, sur les réseaux sociaux, au cinéma, à la télévision… Elle gangrène parfois les esprits les plus faibles qui reproduisent ce qu’ils ont pu voir par ailleurs. Elle isole, on se méfie, on regarde de travers celles et ceux qui dans les médias nous sont montrés comme des voyous, des personnes à la marge, des casseurs, des opposants agresseurs… Et on a tendance à se sentir en insécurité constante dans un monde qui part à vau-l’eau et où la notion de solidarité, d’humanité et de société unie perd tout son sens… Dans "Vincent doit mourir", on assiste à tout cela, à l’image notamment de notre anti-héros qui finit même par devenir cette personne de la rue, à l’écart, seule façon pour lui de rester en vie.
Mais la violence n’est pas forcément une brutalité physique. Le film nous rappelle qu’elle peut aussi être psychologique. En effet, n’est-il pas violent de délaisser quelqu’un parce qu’il est différent, parce qu’il ne pense pas comme nous ou parce qu’il a un comportement étrange, hors des normes ? Vincent subit frontalement cette discrimination, ce rejet, parce qu’il inquiète pour une raison que nous spectateurs comprenons, mais que son entourage prend au mieux pour de la folie douce, au pire pour de la folie dangereuse. Alors dans cette cassure de la société, quelques âmes tentent quand même de s’aimer. Stéphan Castang réussit ses plus belles scènes quand il filme l’intimité. Le couple composé par Karim Leklou et Vimala Pons fonctionne à merveille, mais il va avoir fort à faire pour faire triompher l’amour. "Vincent doit mourir" cumule les genres les plus inquiétants : paranoïa, survival, film de zombies… Castang réunit le surnaturel d’un M. Night Shayamalan ("Phénomènes") et l’absurdité d’un Quentin Dupieux ("Rubber"). Ça fait mal, mais ça fait du bien !
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur