LE VRAI DU FAUX
Tintin perdu au Congo
Le réalisateur Armel Hostiou apprend qu’un faux profil Facebook existe avec son nom et des photos de lui. Ami essentiellement avec des femmes habitant à Kinshasa, ce faux Armel Hostiou prétend organiser des castings pour tourner un film en République démocratique du Congo. Après de vaines démarches envers Facebook, le vrai Armel Hostiou décide de partir en RDC pour identifier celui qui se cache derrière le faux…
Le point de départ est prometteur : suivre l’enquête très personnelle d’un réalisateur pour résoudre une situation kafkaïenne. Outre son approche a priori originale, ce documentaire peut séduire par sa tonalité faussement naïve digne d’un Tintin au Congo (sans l’aspect colonialiste, ouf), par son humour omniprésent, ou encore par sa manière d’entrelacer le faux et le vrai au point qu’on ne sait plus vraiment où se situe la frontière entre authenticité et mise en scène. Contrairement à la chronique homonyme de France Info, "Le Vrai du faux" ne cherche donc pas tellement à dévoiler les processus de création d’un faux profil Facebook ni à dénoncer les manipulations liées à de telles entreprises (la manière dont Armel Hostiou finit par traiter l’imposteur est d’ailleurs une des grandes surprises du film).
Le problème, c’est qu’on ne sait justement pas trop où le réalisateur souhaite réellement nous emmener et l’ensemble finit par pédaler dans la semoule et par partir dans tous les sens, avec même de gros coups de mou qui ennuient fortement (un comble pour un film aussi court). Armel Hostiou se perd régulièrement dans de micro-parenthèses qui donnent l’impression qu’il aurait aussi envie de brosser le portrait de ce pays (dans lequel il n’était jamais allé) mais sans s’en donner vraiment les moyens, abandonnant rapidement toute piste alternative pour revenir sur sa tentative (finalement bancale) de comédie absurde pseudo-documentaire – il y a plus de vingt ans, Christian Philibert, par exemple, s’en sortait bien mieux dans la mise en scène de son supposé vrai village dans "Les 4 Saisons d’Espigoule" (même si le propos était évidemment tout autre, outre le jeu sur la véracité). Ainsi, "Le Vrai du faux" dévie régulièrement de son sujet pour en aborder d’autres de manière (trop) furtive, comme les artistes locaux ou les superstitions.
Si la confusion du récit est en partie un choix délibéré, elle peut agacer, tout comme cette fâcheuse tendance à filmer volontairement « mal » pour donner l’illusion du « vrai », même quand il n’y a manifestement pas besoin d’être en mode « caméra cachée ». Bref, on ne sait plus qui est piégé : Armel Hostiou par son double ? Armel Hostiou par son propre projet ? Le spectateur par les promesses qui lui étaient faites ? Le film paraît finalement trop désordonné et improvisé pour véritablement prendre corps.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur