LES 4 ÂMES DU COYOTE
Une légende comme une autre
Des adolescents amérindiens s’opposent à un projet d’oléoduc placé juste en bas de la colline de leur territoire ancestral. Leur grand-père évoque l’ancien conte de leur Création, nous rappelant à tous que nous devons trouver notre place dans le grand cycle des créatures. Un coyote à la fois manipulateur et cruel joue un rôle décisif dans cette histoire…
On l’avait pressenti : la seule présence du réalisateur Jan Kounen au sein du jury longs-métrages du Festival d’Annecy plaçait "Four Souls of Coyote" en bonne position pour une place au palmarès. Le Prix du Jury est venu confirmer l’hypothèse : le sujet du film, déployant des enjeux écologiques au travers d’une relecture animiste/chamaniste du cycle de la vie, ne pouvait que parler à celui qui, de "Blueberry" à "Darshan", avait su mettre son art cinématographique au profit de nouvelles formes de perception du monde. Il en va clairement ainsi pour cette intrigue construite en flashback entre deux extrémités de récit, partant d’un conflit entre des locaux amérindiens et des businessmen caricaturaux (avec un magnifique plan d’ouverture qui transforme un serpent noir en pipeline) pour entamer ensuite un long retour narratif sur la création du monde. C’est que ce récit à forte fibre créationniste se veut l’illustration d’une légende amérindienne, selon laquelle l’homme et la femme auraient été créés par hasard par un coyote machiavélique (c’est un euphémisme), et avec les excès du genre humain comme cause première du massacre de la nature. On voit d’ici le tableau. Un peu trop, d’ailleurs.
Le film d’Áron Gauder a beau mettre cartes sur table vis-à-vis de ses enjeux écologiques, il n’échappe pas à un certain manichéisme, en l’occurrence renforcé par une seconde partie pas très subtile sur la conquête de l’Amérique qui donne un peu l’impression d’assister à un autre film. De même que le fameux coyote du titre, ici caractérisé par ses quatre âmes, rend tout à fait prévisible la structure du récit narré par le grand-père – chaque partie du récit ne pourra évidemment s’achever que par la mort de l’une de ces âmes. À vrai dire, la grande force du film, c’est de compter le plus possible sur le symbolisme limpide de ses images et sur la pureté de son animation (ici des plus soignées) pour mieux tordre toute tendance au schématisme et même au militantisme poids lourd – ce sont ici les images qui parlent à la place des personnages. C’est ce parti pris qui confère à "Four Souls of Coyote" une vraie âme, du genre qui n’est pas multiple en soi et qui se propage hors de l’écran pour toucher et envoûter son audience. Reconnaissons que c’est amplement suffisant en l’état.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur