LE COURS DE LA VIE
Une leçon bancale mais une Agnès Jaoui impeccable
Vincent Lartigue dirige l’ENSAV, une école de cinéma publique située à Toulouse. Pour ses étudiants, il organise une journée de masterclass avec la scénariste Noémie Capdenac. Tous deux se sont connus lorsqu’ils étaient jeunes et ne s’étaient pas revus depuis très longtemps…
Centrer un film sur un personnage de scénariste peut tout à fait donner naissance à de grands films : citons "La Fête à Henriette", "Le Mépris", "Barton Fink" ou encore "Adaptation". Face à cet héritage, "Le Cours de la vie" propose quelque chose d’apparemment plus simple mais s’impose en fait deux défis majeurs : créer une fiction à partir d’un guide d’écriture de scénario ("Atelier d’écriture – 50 conseils pour réussir son scénario sans rater sa vie" d’Alain Layrac) et axer une grande partie du récit sur une masterclass. Les risques sont multiples : obtenir un film verbeux, statique, froid, théorique…
Pour éviter un huis clos fastidieux, le cours de scénario s’entremêle donc, comme le titre l’indique, au « cours de la vie », c’est-à-dire à l’histoire intime des personnages. Cela confère de la consistance au récit mais, au lieu de se contenter des enjeux concernant les deux protagonistes principaux joués par Agnès Jaoui et Jonathan Zaccaï (leur relation passée, leurs retrouvailles, leurs sentiments), le film se veut partiellement choral et tente de faire exister les personnages secondaires : la collaboratrice et belle-sœur de Vincent (incarnée par Géraldine Nakache), quelques étudiants et étudiantes, mais aussi un patron de restaurant qui écrit des scénarios à ses heures perdues (Stéphane Henon).
Ce choix-là s’avère plutôt gauche, car il est à l’origine des éléments les plus clichés (voire niais) du long métrage, qui ne prend pas suffisamment le temps de développer ces personnages, dont la psychologie est parfois construite à coups de truelle, avec des séquences et des répliques qui tiennent plus de la série française mal jouée – notons au passage que le scénariste Alain Layrac (qui adapte donc son propre bouquin) est un des créateurs de la série "Une famille formidable" et que plusieurs interprètes sont passés par des productions télé comme "Plus belle la vie" ou "Tandem". Cette impression est pesante et récurrente, ce qui affaiblit malencontreusement le film.
Fort heureusement, "Le Cours de la vie" n’est pas exempt de qualités, à commencer par les performances d’Agnès Jaoui et Géraldine Nakache, qui sauvent franchement le film de ce point de vue (même si la seconde est sous-utilisée), car les autres interprètes ne font guère dans la subtilité (chez les étudiants, c’est même à la limite de "Hélène et les garçons" dans certaines situations !). Côté réalisation, si tout n’est pas convaincant, on peut relever des choix intéressants, comme la volonté de jouer avec les amorces ou la façon d’alterner les points de vue sur la masterclass à travers les caméras et le retour vidéo dans la régie (notons surtout un beau travail du son). Ça et là, on se plaira aussi à déceler quelques clins d’œil, comme l’utilisation comme sonnerie de portable du thème du "Grand Blond avec une chaussure noire" de Vladimir Cosma, qui signe par ailleurs quelques musiques originales du film (ce qui devient rare, car sa dernière B.O. date de 2018 pour le film "Comme des garçons"). Les dialogues peuvent également s’avérer inspirants, drôles ou émouvants.
Bref, on ressort de ce film avec un mélange de frustration et de perplexité, ne sachant pas trop si on a vu un chef d’œuvre inabouti ou un mauvais film partiellement inventif !
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur