Festival de Cannes 2023 : Pronostics pour le palmarès officiel

Avec un jury présidé par Ruben Östlund, qui a précisé d'emblée qu'il ne souhaitait pas une Palme qui fasse consensus et voulait quelque chose qui n'avait jamais été fait, et dans lequel figure la réalisatrice de "Titane", Julia Ducournau, on peut donc s'attendre à un palmarès surprenant, qui ne fera sans doute pas l'unanimité. Aussi, se livrer comme chaque année à l'exercice des pronostics paraît d'autant plus hasardeux, et l'on verra sans doute quelques films inattendus s'immiscer au milieu de la liste ci-dessous, quelle qu'en soit la qualité (on pense ainsi au laborieux docu de Wang Bing et son heure et demi en trop, ou au bien creux "Club Zero", film resté à l’état de concept).

On pariera donc sur une Palme d'or radicale pour "The Zone of Interest", le dérangeant film de Jonathan Glazer, faisant contraster le quotidien de la famille d'un officier nazi avec l'horreur en cours derrière le mur qui sépare leur pavillon du camp de concentration d'Auschwitz. Un travail sur le son impressionnant, une progression qui amène à presque oublier l'ignoble système mis en place, et des aspects cliniques et techniques glaçants, pour une œuvre des plus troublantes. Côté Grand Prix, Todd Haynes pourrait bien se retrouver récompensé, pour "May December", ou la recherche torturée de la vérité de son futur personnage, par une actrice qui va jusqu'à envahir et impacter la vie de celle qu'elle va incarner.

Le Prix de la mise en scène pourrait lui récompenser le Japonais Kore-eda ("Monster"), pour la fluidité d'un film en trois actes, correspondant chacun à une vision différente de la même histoire. Un film passionnant et troublant sur la rumeur, les apparences et les préjugés. Peut-être trop lisse, malgré son tact et l'émotion qui s'en dégage pour le jury de cette année, "Perfect Days" de Wim Wenders pourrait permettre à l'acteur japonais Koji Yakusho de remporter le prix d'interprétation masculine, le dernier plan du film valant à lui seul son pesant d'or. Tandis que Sandra Hüller pour "Anatomie d'une chute" et Merve Dizdar pour "Les Herbes sèches" pourraient se partager, dans deux registres très différents, une ultra rigidité apparente et une méfiance exacerbée, le prix d'interprétation féminine.

Le Prix du scénario pourrait revenir à Marco Bellocchio, pour son approche d’une affaire d’enlèvement d’un enfant juif par un pape autoritaire surnommé le « pape roi » dans "L’Enlèvement" ("Rapito"). Enfin côté prix du jury, on verrait bien un ex-aequo entre la poésie et la revendication du picturalement sublime "Banel et Adama" de Ramata-Toulaye Sy et le perturbant "L’Été dernier" de Catherine Breillat et son sujet brûlant (l’inceste), à moins que Léa Drucker ne crée la surprise du côté des actrices. Restent deux films qui mériteraient également de figurer au palmarès : la poésie désabusée de "Les Feuilles mortes" où Aki Kaurismaki retourne à l’essentiel de son cinéma, sans pour autant atteindre des sommets, et "Asteroid City" de Wes Anderson, aussi graphiquement impeccable que ludique.

Pronostics pour le palmarès officiel

Palme d’or
THE ZONE OF INTEREST
de Jonathan Glazer

Grand Prix
MAY DECEMBER
de Todd Haynes
outisder :
"Les Feuilles mortes" de Aki Kaurismaki

Prix de la mise en scène
Hirokazu Kore-eda
pour "Monster"
outsiders :
Wes Anderson pour "Asteroid City"

Prix d’interprétation masculine
Koji Yakusho
dans "Perfect Days"
outsiders :
Jude Law dans "Le Jeu de la reine" ("Firebrand")

Prix d’interprétation féminine
Sandra Hüller
dans "Anatomie d'une chute"
ex-aequo
Merve Dizdar
dans "Les Herbes sèches"
outsiders :
Léa Drucker dans "L'Eté dernier"
Natalie Portman dans "May December"

Prix du scénario
L’ENLÈVEMENT
(Rapito)
de Marco Bellocchio

Prix du jury
BANEL E ADAMA
de Ramata-Toulaye Sy
Ex-æquo
L’ÉTÉ DERNIER
de Catherine Breillat