MONSIEUR CONSTANT
Inconstant et inconsistant
Constant, ancien photographe de guerre, vit replié sur l’île aux Moines, en Bretagne, depuis la mort prématurée de sa femme, une danseuse étoile originaire de Sibérie. Il a coupé les ponts avec tout le monde, même son fils, Sergio. Ce dernier reprend contact et lui demande de garder sa fille, Adéla (qu’il n’a jamais rencontrée), pour lui permettre de mener à bout un projet d’adaptation de « Tristan et Iseult » à Novossibirsk…
Le Breton Alan Simon est avant tout reconnu comme musicien spécialisé dans les musiques celtiques. De temps à autre, il réalise des clips et a même signé un premier long métrage en 2004, "O Gengis", jamais distribué en salles et resté confidentiel. Dommage, car au vu de la bande-annonce, ce premier essai semble bien plus abouti que son deuxième, en tout cas au moins d’un point de vue esthétique. En effet, l’un des principaux défauts de "Monsieur Constant" saute aux yeux dès les premières minutes : l'épouvantable photographie, avec une mise en lumière aléatoire et des plans qui semblent tout droits sortis d’un atelier d’initiation au tournage dans une MJC*.
À cette laideur visuelle, s’ajoutent une interprétation approximative (Jean-Claude Drouot s’en sort mieux, mais pas toujours !), une mise en scène sans style (hormis quelques tentatives de jouer avec les silhouettes et les plans floutés) et un scénario qui alterne entre le vide sidéral, les clichés et les incohérences (des personnages bâclés, des enjeux insondables, un maladroit semblant de suspense, des répliques répétitives…). On se demande aussi ce que vient faire Jean-Yves Lafesse dans un second rôle – on aurait rêvé meilleur chant du cygne que cette apparition posthume franchement inutile. Notons également qu’Alan Simon exploite très peu le potentiel de ses décors, qu’ils soient à Paris, en Bretagne ou à Novossibirsk – à l’exception d’un dolmen qui matérialise l’obsession du personnage principal et sa difficulté à faire son deuil.
Il faut donc être bien indulgent pour s’intéresser à des personnages qui auraient pourtant pu être touchants (mais tout est bien trop statique pour nous bouleverser) ou aux tentatives de revisiter le mythe de "Tristan et Iseult" (sachant que la mise en scène que l’on découvre à la fin est un véritable spectacle créé par Alan Simon). Histoire de se raccrocher aux branches fragiles, on pourra se satisfaire de quelques éléments : de rares passages chantés par Cali (citons surtout le titre du générique de fin, "Frappe le sol avec ton cœur") ; une scène où Danièle Evenou propose une reprise étonnamment attendrissante de la chanson "Il pleut sur mes lunettes" de Jacques Martin (dommage que la réalisation ne soit pas à la hauteur dans cette seule séquence où l’actrice joue un peu mieux !) ; les photos noir et blanc du protagoniste principal ; une fin un peu plus séduisante mais une inspiration trop partielle et surtout trop tardive…
* Nota : précisons ici que les captations du spectacle ne sont pas en rapport avec le travail du chef opérateur du film.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur