SHAZAM ! LA RAGE DES DIEUX
Un vestige d'un ancien temps, doté d’humour et d’action
Maintenant accompagné de sa famille, Billy Batson, l’adolescent qui a en lui le pouvoir des Dieux, essaye de conjuguer sa vie de lycéen avec celle de super-héros. C’est alors que les terribles filles du dieu Atlas débarquent sur Terre pour récupérer un artefact qui pourrait bien provoquer la fin du monde. Billy et sa bande vont tout faire pour les en empêcher, même si le sort du monde réside entre les mains d’adolescents…
Difficile pour l'auteur de ces lignes de parler du film "Shazam ! La rage des Dieux" sans le replacer dans son contexte. Le premier film, sobrement intitulé "Shazam !", sorti en 2019 avec la même équipe aux commandes (du réalisateur au casting) n'avait pas réussi un exploit tonitruant au box-office, mais a connu suffisamment de succès pour qu'une suite voit le jour. Surtout qu'à l'époque le DCEU (DC Extended Universe) était déjà en refonte totale après l'échec artistique et commercial de "Justice League" (2017 par Joss Whedon). C'est alors qu'au milieu d'Aquaman et autre Harley Quinn, que ce super-héros méconnu du grand public pointe le bout de son nez pour s'inscrire lui aussi dans cet univers. 4 ans plus tard, la situation n'a fait qu'empirer. Avec des non- succès à répétition pour Warner de son univers en collant ("Suicide Squad", "Black Adam"...), le studio a décidé de faire table rase du passé et de re-construire un univers étendu sous la houlette de James Gunn ("Horribilis", "Gardiens de la Galaxie" et "The Suicide Squad"). Problème : il reste encore 3 films de l'ancienne direction à sortir et plus personne ne semble s'y intéresser. Vendre un film d'un univers connecté qui ne connectera avec plus grand-chose, ce n'est pas chose aisé, surtout quand il s'agit d'aligner les billets verts pour tutoyer le mastodonte du genre, Marvel. Alors, que retenir de ce deuxième volet des aventures de Billy Batson ?
Tout d'abord louons la première scène d'introduction du film avec la séquence au musée et les filles d'Atlas. Ce qui commence avec blagues lourdingues et cynisme bascule très vite en mode "World War Z". Une certaine gravité assumée sur le traitement des enjeux posés plutôt bienvenue et qui n'empêche jamais le film d'être drôle. Parce que oui, l'aspect le plus réussi est celui de la comédie, ce qui était déjà le cas sur le premier film. La plupart des blagues font mouche, notamment avec Steve, et collent au concept même du film : une bande jeunes adolescents qui deviennent super-héros. En partant de ce postulat, il est tout à fait logique qu'une certaine légèreté accompagne nos héros lors de leur affrontement. On se sent plus floué quand il s'agit de quarantenaires qui s'envoient des punchlines alors que le monde s'effondre. Une attention toute particulière est apportée aux personnages et à leur fonctionnement en tant que groupe.
Car oui, "Shazam ! La rage des Dieux" est une bonne suite qui s'amuse à bousculer l'équilibre établi par le précédent film. Les enfants doivent travailler en équipe mais ne se parlent pas assez, ils doivent tous mentir à leurs parents d'adoption et au milieu de tout ça, certains cherchent à trouver leur place dans leur quotidien, à la maison ou à l'école. Au milieu de tout ce beau monde, Billy/Shazam se force à prendre la place du leader, alors qu'au fond de lui-même il ne se sent pas légitime. Le casting, identique au précédent volet, est toujours aussi attachant et authentique. Les nouvelles venues en filles d'Atlas font le travail avec un supplément d'âme. Helen Mirren n'est pas méchante à proprement parler, elle souhaite seulement retrouver son royaume confisqué. Lucy Liu quant à elle incarne la méchante de bande dessinée basique, mais s’en donne à cœur joie dans le cabotinage, et il faut bien avouer que, nous, on achète. Zachary Levi n'est pas en reste. Il s'amuse comme un petit fou en double super-héroïque de Billy et son plaisir est communicatif. Le parti pris de ne voir qu'à de très rares occasions la forme « humaine » de Billy renforce cette idée qu'il ne veut pas affronter la réalité, préférant se cacher dans son costume et prétendre être un adulte (littéralement) alors qu'au fond il reste ce petit garçon, terrifié à l'idée d'être de nouveau abandonné.
La question de la responsabilité est ainsi un point central du film. C'est suite aux événements du premier volet où Shazam brise le bâton du sorcier que la venue des filles d'Atlas sur Terre va avoir lieu. Entre la volonté narrative de connecter les deux films et de donner corps aux actes de nos personnages, on ne peut que être réjoui face à un projet qui ne nous prend pas totalement pour des buses et nous récompense au passage de notre investissement. Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait ont des répercussions. On appréciera que le réalisateur de "Dans le noir" ait affiché des ambitions revues à la hausse pour ces scènes d'actions qui sont déjà plus nombreuses et marquantes que dans le premier opus, où leur quasi-absence se ressentait. Face à un personnage comme Shazam, qui est tout aussi puissant que l'Homme d'Acier, ne jamais voir l'étendue de ses capacités était alors très frustrant. Entre un sauvetage de pont ou un dragon ancestral qui attaque la ville, ce second film nous offre l'occasion de constater l'étendue des pouvoirs de Shazam et de sa famille. Le climax, avec toutes ces créatures mythologiques (mention spéciale aux licornes), offre son lot de morceaux de bravoures et de visuels intéressants. David F. Sandberg s'amuse enfin avec les cadres de l'image, l'échelle des plans et les visuels qu'engendrent les pouvoirs de notre troupe, plus précisément celui d'une des filles d'Atlas qui transforme la ville en géant puzzle mouvant. Après une première aventure sans réelle implication du côté du divertissement pop-corn, on est ravi de voir le réalisateur se réveiller enfin.
Malheureusement tout ceci est mis en boîte avec un récit linéaire, à la structure omnisciente et sans vrais éclats. C'est donc un film de super-héros qui aurait pu faire son petit effet il y a 20 ans de ça. Le problème c'est que le genre a été lessivé de toute part et le film se présente à nous comme une courte et sympathique récréation. Rien de plus. Mais contrairement à beaucoup de productions du genre, le film a pour lui une certaine authenticité et une générosité que beaucoup ont perdues. "Shazam ! La rage des Dieux" est un vestige d'un ancien temps, encore plus quand on sait que l'univers auquel il est rattaché n'existera plus d'ici deux films. Bien que Wonder Woman et son thème musical pointent le bout de leur nez, nous ne pouvons ressentir au milieu du plaisir qu’une pointe d'amertume. Tout ceci n'aura ni conséquence, ni suite. Ne reste plus qu'à regarder la carcasse pourrir jusqu'à définitivement disparaître, pour laisser place à du neuf, pour le meilleur comme pour le pire.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur