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NORMALE

Un film de Olivier Babinet

A-t-on trouvé le nouveau Xavier Dolan ?

A 15 ans, Lucie vit seule avec son père William qui lutte contre la sclérose en plaques et dont elle tente de s’occuper le mieux possible, en plus de son activité au collège et d’un boulot de serveuse. L’écriture d’un roman autobiographique lui permet de s’évader entre rêve et réalité, mais l’annonce de la venue d’une assistante sociale va bousculer cet équilibre déjà précaire…

Normale film movie

On avait remarqué le réalisateur Olivier Babinet avec les intéressants "Swagger" et "Poisson-sexe", films poétiques et singuliers qui laissaient le décalage surgir au cœur d’une réalité sociale captée avec vérité pour mieux la transcender. Il est du coup heureux que "Normale" passe un peu moins d’une heure et demie à honorer cette démarche, en faisant mentir son propre titre. Rien ne le laissait pourtant présager. À la lecture du synopsis, on pressentait déjà la masterisation d’un thème social peu traité sur grand écran (les « jeunes aidants ») au travers d’un pitch de téléfilm larmoyant pour mercredi soir de France 2. Au bout de trente minutes, la découverte d’ajouts scénaristiques en lien avec le parcours intime de la jeune héroïne (classe scolaire garnie de merdeux violents, crush efféminé qui subit des injures homophobes en raison de son goût pour le stylisme, etc…) fait déjà clignoter en rouge les poncifs les plus standardisés du drame social à tendance lourdement mélodramatique. Sans parler d’un vrai point faible en ce qui nous concerne – le principe d’une narration en mode autobio, qui voit l’héroïne se raconter elle-même à la troisième personne – qui tend à superposer trop frontalement la paraphrase de l’image à l’image elle-même. Or, le film a un atout-massue : il sait pratiquer l’esquive.

Loin de se complaire dans le pathos ou de manipuler l’humour décalé à la manière d’un pis-aller, Olivier Babinet enfile les signes d’échappée belle comme des perles, tout au long de sa narration. Par un goût de la rupture de ton qui surgit sans crier gare pour transmuter l’image laissée par un personnage, à l’image de cette obsession du père joué par Benoît Poelvoorde pour les films gore et les jeux vidéo violents qui contribue à creuser les enjeux dramaturgiques sans jamais faire accessoire. Par un art de l’évasion poétique et aérienne qui laisse le rêve strier la réalité sans indication frontale du passage de l’un à l’autre (pas de réveil brutal pour cause de cauchemar, par exemple), histoire de laisser l’imaginaire – celui de celle qui raconte – redéfinir le quotidien, au mieux pour le transcender un tant soit peu, au pire pour l’illuminer un minimum. Par des audaces visuelles et musicales qui tendent à le rapprocher d’un Xavier Dolan, mais sans la narration juke-box et les arabesques stylisés. Tout cela ne fait pas de "Normale" quelque chose d’« extra-normal » (sa durée trop courte et sa voix off illustrative le freinent trop pour pouvoir l’emmener plus haut), mais en tout cas une proposition de cinéma intègre où le visuel et l’émotionnel font jeu commun avec tact et singularité. Son casting, au sommet duquel trône l’épatante Justine Lacroix, a une grosse part de responsabilité là-dedans.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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