DE GRANDES ESPÉRANCES
De l’idéalisme vers les arrangements
Madeleine et Antoine sont en couple et préparent tous les deux le concours de l’ENA. Si elle est issue d’un milieu modeste, ce n’est pas son cas à lui, dont le père est bien placé et la tante est une femme politique, qui fut secrétaire d’État, a travaillé sur l’économie sociale et solidaire, et est à l’origine d’une loi sur la participation salariale. Profitant du calme et du beau temps dans la maison corse du père d’Antoine, ils sont agressés par un autochtone qu’ils ont klaxonné avec insistance, afin de le doubler. L’altercation vire alors au drame, le couple s’emparant du fusil que ce dernier pointait sur eux, et Madeleine l’abattant soudainement. Pris de panique, Antoine décide d’enterrer le fusil. Mais ce secret qu’ils partagent, sera bien lourd à porter…
Après "Vendeur" avec le duo Gilbert Melki / Pio Marmaï en 2016, Sylvain Desclous s'est cantonné à des documentaires situés en milieu rural ("La Peau Dure", "La Campagne de France"), mais non moins politiques. Le voici qui retourne donc à la fiction avec "De Grandes Espérances", portrait de deux étudiants dont l'idéalisme va être mis à rude épreuve. Soulignant d'abord leur sentiment de culpabilité, entraînant pour tous deux une manière différente de rater leur oral, le scénario va ensuite les projeter dans le monde du travail, grâce à leurs appuis.
Plongeant alors dans les entrailles de la vie politique, le récit va, lui, prendre la direction du thriller psychologique, en obligeant les anciens amoureux à se revoir pour le travail, alors que leur relation relève maintenant du passé. Créant ainsi une mise en abyme entre les questions morales qui se posent dans l'exercice d'un métier, où la négociation fait place parfois à la pression ou au bluff, et le maintient du secret qui les lie, le scénario parvient à générer un réel suspense.
Incarnant Madeleine, Rebecca Marder (révélée dans "Une Jeune fille qui va bien", et vue récemment dans "Simone, le voyage du siècle" et "Mon Crime"), incarne avec aplomb cette jeune femme aussi persuadée du bien-fondé de ses convictions qu'elle est stoïque dans ses manœuvres, et prouve qu'elle est résolument la plus brillante des jeunes actrices du moment. Quant à Benjamin Lavernhe ("Le Sens de la fête", "Mon Inconnue", "Antoinette dans les Cévennes"), il est parfaitement crédible dans le rôle d'Antoine, personnage de 10 ans de moins que lui, dont la nervosité maladive le conduira aux pires bassesses. Leur duo marque durablement au sein d’une histoire complexe, d’où jaillissent de violents ressentiments lorsque l’Homme, blessé dans son orgueil, décide de réagir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur