DALVA
Une jeune actrice bouleversante
Retirée soudainement un soir du domicile paternel, Dalva, 12 ans, maquillée, les ongles vernis, des boucles d’oreilles, portant des vêtements de femme et des bas, se débat et hurle, ne comprenant pas pourquoi on l’éloigne de son père. Arrivant de nuit dans un foyer, elle essaye d’ailleurs immédiatement de s’enfuir. Encadrée par Jayden, un des éducateurs, et aidée par Samia, une autre adolescente placée, elle va devoir se faire au fait que son père est désormais en prison, à Reims, accusé d’enlèvement et d’inceste…
"Dalva", remarqué l'an dernier à la Semaine de la critique, est le portrait sans concession d'une jeune fille victime d'inceste. Relatant la progressive reconstruction de celle-ci, d'une condition où elle a appris trop vite à se muer en femme, dans l'attitude sexuée comme dans les tenues adoptées, vers un ensemble de comportements qui correspondent plus à l'enfant qu'elle est encore, ou plutôt qu'elle n'a jamais été. Récompensée du Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation, la jeune Zelda Samson incarne cette jeune Dalva avec brio, dans tous ses apparents excès, de la déchirure de la séparation, liée à une trop grande proximité affective, à l'incompréhension persistante, dont les soubresauts désarçonneront sans doute autant les adultes autour d'elle, que le spectateur lui-même.
La scène où elle revoit enfin son père est de ce point de vue, glaçante, montrant à la fois la honte ressentie par celui-ci, et l’ampleur du travail encore à faire avec la jeune fille. D’un « nous c’est pas pareil », clamé dans les premiers moments, aux premiers signes d’un début de prise de conscience (à l’école, lorsqu’elle entend parler indirectement de son cas, et enlève discrètement son rouge à lèvre), le chemin s’annonce comme un long périple, empli de souffrance. Au fil de cet impactant métrage, le visage de la jeune fille change, la liberté de sa chevelure également, tels des symboles d’une indépendance possible, loin des objets qu’elle gardait précieusement (le collier de sa mère notamment…), tels des souvenirs d’une dépendance chérie.
Bouleversant, autant par le portrait bouillonnant d’une adolescente n’ayant connu qu’un regard empli de désir comme supposé lien, que par la bienveillance de celle qui la protège à l’école (Fanta Guirassy, formidable). Avec une approche frontale d’un sujet plus que délicat, la mise en scène d’Emmanuelle Nicot semble dézoomer progressivement du personnage, au fil de son apprentissage de la vie en société (à l’école, au foyer...). On passe ainsi de premiers plans très rapprochés sur Dalva, représentant ses sensations lors de l’examen médical, à des plans plus larges où son corps reprend toute liberté de mouvement. Une évolution nécessaire, pour mieux capter un parcours et un regard d’enfant, que vous n’êtes pas près d’oublier.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur